Voyage de J. Cartier au Canada
résidence royale du chef de Canada, remplacée maintenant par la ville de Québec, dont le faubourg Saint-Jean est assis précisément à l'endroit où gisait l'ancienne capitale des sauvages.
Après avoir pourvu à la sûreté de ses navires dans le havre de Sainte-Croix, Cartier résolut de pousser sa reconnaissance dans le haut du fleuve jusqu'à Hochelaga avec le plus petit des trois bâtiments et les embarcations. Parti le 19 septembre, il navigua sans interruption jusqu'au 28, qu'il atteignit les domaines du chef Ochelay, à l'entrée d'une rivière où le courant était rapide et dangereux (la rivière Richelieu d'aujourd'hui), et bientôt après un grand lac formé par l'élargissement du fleuve (le lac Saint-Pierre actuel) ; là il lui fallut laisser le navire pour continuer de remonter avec les embarcations seules, et le 20 octobre on arrivait à Hochelaga, au-dessous des rapides impétueux appelés aujourd'hui le courant de Sainte-Marie. La capitale était assise au pied d'une montagne bien cultivée, qui reçut le nom de Mont-Royal, lequel s'est perpétué à la même place sous la forme de Montréal, ainsi qu'on appelle maintenant le chef-lieu du Haut-Canada.
En redescendant le grand fleuve, il remarqua, le 7 octobre, un affluent de la rive septentrionale dont l'entrée était signalée par quatre petites îles boisées, et auquel il donna le nom de Fouez (c'est-à-dire de Foix), qu'a remplacé celui de Trois-Rivières. Quatre jours après il rentrait au havre de Sainte-Croix, où les matelots des deux navires restés au mouillage avaient pendant son absence élevé un fort. Il y passa tout l'hiver, très-maltraité par le scorbut, qui lui enleva vint-cinq de ses compagnons, et aurait fait de plus grands ravages si les indigènes ne lui eussent enseigné un remède souverain dans la décoction des feuilles et de l'écorce d'épinette blanche ou de pesse du Canada (pinus alba de Linné). Enfin, le 6 mai 1536, il appareilla pour retourner en France, abandonnant la carcasse d'un de ses navires, faute de monde pour le réarmer. Les restes en ont été retrouvés dans la vase par les habitants de Québec, le 26 septembre 1843, et quelques fragments en ont été envoyés, comme une précieuse relique, au musée de Saint-Malo.
Le 21 mai Cartier reconnaissait Honguedo, puis le cap de Prato, d'où il gagnait l'île de Brion, et le 1er juin, prenant au sud-est, il touchait successivement à deux pointes de terre qu'il appela le cap de Lorraine et le cap de Saint-Paul, au nord et à l'est de l'ile du cap Breton ; il abordait ensuite à Terre-Neuve dans une anse qu'il appela le havre du Saint-Esprit, et qui n'est autre que le port aux Basques de nos jours : puis il rangeait la côte jusqu'aux îles de Saint-Pierre, où il rencontra plusieurs navires français, et prenant enfin le large au sortir du hâvre de Rognouse ou baie des Trépassés, il rentrait à Saint-Malo le 16 juillet suivant.
XIV
Pendant que Cartier faisait sa traversée de retour, il se croisait avec une expédition anglaise composée de deux navires, la Trinité et le Mignon, montés par une association de gens distingués tenant à la cour et à la magistrature, réunis sous la direction de maître Hore, homme de grand courage et fort adonné à l'étude de la cosmographie, pour aller tenter des découvertes dans le nord-ouest : partis de Londres à la fin d'avril 1536, ils mirent plus de deux mois à atteindre le cap Breton, d'où ils gagnèrent l'île aux Pingouins, et s'élevèrent ensuite fort avant dans le nord, au milieu des glaces ; mais la disette de vivres devint telle parmi eux, qu'ils étaient réduits aux dernières extrémités quand apparut un navire français bien approvisionné ; ils parvinrent à s'en emparer par la ruse, et s'esquivèrent aussitôt pour retourner en Angleterre, où ils arrivèrent à la fin d'octobre, et ne purent être rejoints que plusieurs mois après par les Français qu'ils avaient dépouillés, et que le roi Henri VIII prit le parti d'indemniser de ses propres deniers.
En France, où Cartier avait ramené quelques sauvages canadiens, on s'occupait de les instruire, afin de trouver en eux des interprètes et des auxiliaires pour la civilisation de leurs compatriotes : ils furent baptisés le 25 mars 1538 ; mais le changement de climat leur devint funeste, et ils moururent tous sauf un seul (une jeune fille) avant qu'on pût tirer d'eux aucun service. Malgré ce désappointement, une nouvelle
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