Voyage de J. Cartier au Canada
le nord, comme celles de Vespuce dans le sud avaient démontré qu'il s'agissait en réalité d'un monde nouveau ; et bien qu'on le crût réuni à ses dernières limites aux régions boréales asiatiques, l'extension des conquêtes espagnoles dans l'ouest, et la circumnavigation de Magellan, avaient appris qu'il y avait au-delà de ce nouveau continent une autre mer par laquelle on arrivait à l'Orient véritable, si plein de richesses et de merveilles : quelque passage, moins éloigné que le détroit franchi par l'escadre castillane, pouvait exister sur l'immense ligne des côtes américaines, et conduire par une voie plus courte à ces iles des épices, objet de tant de convoitises rivales.
François 1er mit en 1523 aux ordres du florentin Jean Verrazzano quatre navires pour aller à la recherche d'un tel passage et prendre possession des terres où il serait possible de le rencontrer. Mais une tempête fit avorter les premières tentatives ; les vicissitudes de la guerre et de la mer ne laissèrent au navigateur la faculté d'effectuer son exploration que dans une seconde campagne et avec une seule nef, la Dauphine sur laquelle il partit définitivement de Madère le 17 janvier 1524 pour aller atterrir à la fin de février vers 34° de latitude, sur une côte inconnue qu'il longea l'espace de cinquante lieues en tirant au sud sans y découvrir aucune baie ; ce qui lui fit reprendre la bordée du nord, et suivre ensuite le littoral à l'est et au nord-est jusqu'au parallèle de 41°40' descendant à terre par intervalles, pour reconnaître le pays, où la vigne croissait en abondance, et les habitants, dont le teint était généralement foncé et les moeurs hospitalières.
Il rencontra enfin une belle a grande rivière, aux eaux profondes, aux pittoresques rivages (le Hudson), d'où un orage soudain le força de s'éloigner à son grand regret, pour ne s'arrêter qu'après une course de quatre-vingts lieues encore droit à l'est, où il rencontra une ile triangulaire semblable à celle de Rhodes, qu'il appela Louise, du nom de la mère du roi de France, et derrière laquelle s'ouvrait une baie commode ; Narraganset habitée par une population beaucoup plus blanche que toutes les autres et qui lui fit l'accueil le plus cordial. Après avoir joui pendant quinze jours de cette gracieuse hospitalité, il reprit sa route le 6 mai, longeant une côte qui s'élevait progressivement et se couvrait de bois touffus habités par un peuple brun et farouche, puis une terre nue et rocheuse bordée d'un grand nombre d'iles ; jusqu'à ce qu'arrivé à 50° de latitude, ayant consommé toutes ses munitions et ses vivres, il revint en France, et écrivit en rade de Dieppe le compte-rendu de son voyage, qu'il adressa au roi le 8 juillet 1524.
On raconte que dans une expédition ultérieure aux mêmes parages, Verrazzano étant descendu à terre sans assez de précaution, fut saisi par les sauvages, et servit de pâture à un horrible festin. Avait-il immédiatement reçu de François Ier une nouvelle mission, on ne sait. D'autres soucis étaient venus absorber les pensées du monarque, et le prisonnier de Pavie n'eut bientôt plus le loisir de songer de long-temps à la poursuite de ses projets d'établissement outremer.
X
L'Espagne, au contraire, triomphait, et pendant que Fernand Cortez adressait de Mexico, le 18 octobre 1524, à l'empereur Charles-Quint, un rapport où il développait l'idée de faire explorer à la fois la côte atlantique depuis la Floride jusqu'aux Bacalaos, et la côte opposée sur l'Océan pacifique, pour trouver le secret de ce passage que Verrazzano était allé découvrir ; un pilote portugais au service de l'Espagne, déserteur de l'expédition de Magellan et repoussé de celle de Loaysa, Etienne Gomes de Porto, obtenait à Séville, à la fin de cette même année, l'autorisation d'aller explorer aussi, sur les traces de Verrazzano, le littoral compris entre la Floride et les Bacalaos. Le comte Fernand d'Andrade, le docteur Beltram, le riche Chistophe de Haro, lui armèrent un petit navire avec lequel il partit de la Corogne au commencement de 1525, alla toucher à Cuba et à la pointe de la Floride, et remontant au nord, explora particulièrement la côte comprise de 40° à 41° de latitude, un peu en-deçà et un peu au-delà, y enleva un grand nombre d'habitants pour en faire des esclaves, poussa ensuite sa navigation, à ce qu'on dit, jusqu'au cap Ras, et revint, après une absence de
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