11 Septembre... 1973
Moneda.
D'abord favorable à ces initiatives, Eduardo Frei finit par les déconseiller.
Un document de la CIA, daté de 1970, montre le degré d'inquiétude des
États-Unis face à l'arrivée d'un gouvernement socialiste à Santiago : "La
première activité de la CIA au Chili a consisté à conduire des opérations
contre la candidature de Salvador Allende au cours des élections du 4 septembre
1970, sans toutefois soutenir un autre candidat. Cet effort s'est traduit par
un programme de propagande alertant le peuple chilien contre les dangers d'un
régime marxiste dirigé par Salvador Allende. Au total, 435.000 dollars ont été
dépensés à cette fin, avec l'approbation de l'ambassadeur Korry, au Chili, et
des fonctionnaires du Département d'État, à Washington".
Le document poursuit : "Une deuxième activité
de l'Agence a été accomplie entre le 15 septembre 1970, alors qu'Allende était
assuré d'obtenir la majorité au parlement, et sa confirmation effective par le
Congrès, le 24 octobre, puis son investiture, le 3 novembre. Au cours de cette
nouvelle phase, 153.000 dollars ont été dépensés pour tenter d'impliquer divers
groupes chiliens, dont le Parti démocrate chrétien, les forces armées, ainsi
qu'une quantité d'organisations indépendantes et de personnalités, dans
l'opération et de les convaincre d'utiliser des moyens législatifs ou
militaires pour empêcher l'investiture. À un certain moment, trois
mitraillettes ont même été fournies à trois officiers militaires qui
projetaient de les utiliser pour instiguer un soulèvement des forces
armées".
Enfin, il est précisé que : "Ce programme a
été conduit sous l'autorité du président Nixon, étant entendu que ni le
Département d'État, ni d'autres membres du Comité 40 [20] ne devaient être tenus au courant de son existence. On pense que les
fonctionnaires du Département d'État ne savent toujours pas que ce programme a
été mené à bien par la CIA. C'est une considération importante qui régit les
actions futures".
Très vite, Allende se doute que des manoeuvres se
trament contre lui. Au lendemain des élections, il appelle Eduardo Frei, qui
est encore président, pour lui demander de reconnaître sa victoire. À sa grande
surprise, Frei refuse. Ce refus est d'autant plus inquiétant que le président
a, peu de temps auparavant, approuvé publiquement le discours du ministre des
Finances Andres Zaldivar qui a fait une allusion limpide et tendancieuse à la
débâcle économique dont le Chili serait victime depuis qu'Allende a gagné les
élections.
Ces déclarations, amplifiées par la campagne de
terreur orchestrée par les médias de droite, ont provoqué de nombreux retraits
dans les caisses d'épargne et les établissements de crédit. La Bourse chute,
les investissements diminuent sensiblement, le secteur de la construction est
paralysé et une fuite de capitaux d'une ampleur historique se produit, vers
l'Europe et les États-Unis.
Pour efficaces qu'elles soient, ces manoeuvres ne
sont pas suffisantes pour prévenir l'accession d'Allende à la présidence. Mais
un autre recours s'offre aux conspirateurs : celui du Track II , celui du
coup d'État.
Un plan est ébauché. Sans s'encombrer de principes
superflus, tel que celui de "non-ingérence dans les affaires intérieures
d'un pays indépendant", la CIA et l'ambassade des États-Unis au Chili
prennent contact avec le général à la retraite Roberto Viaux, auteur d'un
putsch manqué un an auparavant. Avec d'autres militaires, retirés ou d'active,
Viaux projette d'abord d'enlever les membres du Haut commandement de l'Armée de
terre et, en particulier, le chef de cette institution, le général René
Schneider, un militaire légaliste qui est devenu le principal obstacle à la
destitution d'Allende.
L'idée d'organiser un coup d'État est clairement
évoquée dans un document déclassifié rapportant une communication des services
américains avec l'ambassadeur au Chili Edward Korry, le 15 octobre. Il
mentionne notamment une conversation entre le secrétaire d'État Henry
Kissinger, son adjoint, le général Alexander Haig, et le numéro deux de la CIA,
le général Thomas Karamessines. Au cours de cette conversation est débattue
l'hypothèse que le général Viaux se charge de conduire le complot contre
Allende, à la tête des forces armées. Mais cette solution est finalement
rejetée : "Viaux n'a pas plus d'une chance sur vingt, peut-être moins, de
réussir un
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