11 Septembre... 1973
coup d'État (...). Après la décision de désactiver le "plan
Viaux", au moins provisoirement, le docteur Kissinger a donné à
Karamessines l'ordre de préserver les moyens de la CIA au Chili, en travaillant
clandestinement et avec fermeté pour maintenir sa capacité d'action future contre
Allende".
Dans des notes prises le 15 septembre, le
directeur de la CIA, Richard Helms, écrit avec cynisme : "Une chance sur
10 de succès, peut-être. Mais sauvez le Chili ! Peu importe le prix. Sans
implication de l'ambassade ; 10.000 dollars (sic) disponibles, plus si
nécessaire ; travail à temps complet pour les meilleurs hommes que nous ayons ;
plan de jeu ; faire trembler l'économie".
Un autre mémorandum de la CIA, daté du 16
septembre, relate une rencontre entre Richard Helms et des fonctionnaires
spécialisés dans les opérations secrètes : "Le président Nixon a décidé
qu'un gouvernement Allende au Chili n'était pas acceptable pour les États-Unis.
Le président a demandé à l'agence d'éviter qu'il arrive au pouvoir ou de faire
en sorte qu'il soit renversé. Le président a autorisé 10 millions de dollars à
cette fin (...). Le directeur a dit que Kissinger lui avait demandé de se
réunir avec lui, le 18 septembre, pour que l'agence lui remette des données sur
la façon d'accomplir cette mission".
La première ébauche du complot est baptisée
"Projet Fubelt". Elle met en place un groupe de travail placé sous la
direction de Karamessines. La CIA doit préparer un plan d'action en 48 heures
et le soumettre à Henry Kissinger. Le 16 octobre, Karamessines transmet les
ordres de Kissinger au bureau de la CIA à Santiago : "C'est pour nous une
politique ferme et continue qu'Allende soit défait par un coup d'État (...)
Nous devons appliquer une pression maximale dans ce but et utiliser tous les
moyens appropriés. Il est impératif que ces actions soient clandestines et il
faut s'assurer que l'intervention du gouvernement et l'aide américaine sont
bien dissimulées".
La CIA et ses contacts au sein de la droite
chilienne ne manquent ni de moyens, ni d'imagination, pour accomplir leur sinistre
besogne. Pendant les 50 jours qui précèdent le vote du Congrès, l'attente est
tendue. Elle paraît interminable. Les attentats à la bombe se multiplient à
Santiago et dans tout le pays. L'événement le plus retentissant se produit à la
veille de la réunion du Congrès, le 22 octobre. Une tentative d'enlèvement est
perpétrée contre le général René Schneider qui, mortellement blessé, décède à
l'hôpital trois jours plus tard. C'est un coup terrible porté contre Allende.
Dans ce contexte, le Parti démocrate chrétien
s'érige naturellement en arbitre au Congrès entre la droite, incarnée par le
Parti national de Jorge Alessandri, et l'Unité populaire dirigée par Salvador
Allende. Des tractations s'engagent, qui aboutissent à la conclusion d'un
"Pacte des garanties constitutionnelles". Allende s'engage à
respecter les institutions ainsi que certains principes économiques
fondamentaux et, le 3 novembre, en dépit de la violence, de la tension, de la
méfiance et des pressions exercées par Washington, il obtient la présidence
avec 135 voix pour, contre 35 pour Alessandrini et 7 abstentions. L'Unité
populaire gouverne désormais le Chili.
Le jour même, un message câblé de la CIA décrit la
façon dont l'" Agence" compte s'y prendre pour préparer le coup
d'État, en introduisant un groupe "opérationnel" composé de quatre
agents agissant sous une fausse identité : "Il consiste en quatre
fonctionnaires de la CIA avec l'apparence, le langage et l'expérience qui
permettent de maintenir la fiction de plusieurs nationalités différentes. Ils
ont été rappelés de leurs postes à l'étranger, instruits à Washington et
intégrés séparément au Chili". Le message énumère également les efforts
déployés pour obtenir qu'Eduardo Frei finisse par "soutenir un coup"
contre Allende. Il est notamment écrit que : "Des pressions de ceux dont
il valorise l'approbation, en combinaison avec une propagande adéquate,
représentent le seul espoir de convertir Frei".
Un long document du Conseil de la sécurité
nationale, rédigé à l'attention de Kissinger et également daté du 3 novembre,
résume les objectifs de la Maison blanche : "Notre influence pourrait être
un important facteur pour compliquer la tâche d'Allende, tant en exacerbant les
frictions entre les éléments modérés et
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