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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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dernière pique au moment de passer la main :
    — Je crains bien que la guerre n’entre derrière moi à
l’Élysée [64] …
    Qu’en savait-il ce président obèse qui se complaisait dans
l’inauguration des chrysanthèmes ? N’avait-il pas toujours brillé par son
indifférence abyssale pour les questions internationales ? Sous son
septennat s’était certes conclue l’Entente cordiale avec l’Angleterre mais
lui-même n’y avait pas été pour grand-chose.
    Armand Fallières, il est vrai, n’était pas un cas isolé. Les
derniers chefs du gouvernement de la France n’avaient pas manifesté, eux non
plus, d’intérêt excessif pour la diplomatie, d’Alexandre Ribot à Gaston
Doumergue en passant par Louis Barthou. Au Quai d’Orsay même, rares étaient les
ministres des Affaires étrangères qui, au moment de leur entrée en fonction,
avaient une connaissance, même vague, des grands dossiers internationaux.
    Quelques hommes politiques avaient des convictions bien arrêtées.
Théophile Delcassé en faisait partie. Viscéralement antiallemand, il avait été
l’artisan de l’Entente cordiale. Pour cette raison d’ailleurs, les Allemands
avaient fini par avoir sa peau l’année suivante, lors de la première crise
marocaine. Le chef du gouvernement français de l’époque avait dû se résigner à
le renvoyer du Quai d’Orsay pour éviter le pire. Certains considéraient que le
patriotisme de Delcassé tournait à l’exaltation obsessionnelle et même à la
monomanie.
     
    Il y avait également ceux qui se piquaient de savoir… sans
pouvoir faire longtemps illusion. À l’époque, Aristide Briand ne laissait pas
d’impressionner les diplomates par son ignorance historique et géographique. Un
ambassadeur dirait de lui, non sans quelque perfidie : « La péninsule
des Balkans s’évoque en lui aussi confuse, hétéroclite et mystérieuse que le
centre de l’Afrique sur les portulans du moyen âge [65] … »
En juillet 1914, Briand déclarait à la ronde qu’il était profondément
convaincu des intentions pacifiques de Guillaume II. Ses sources étaient
d’une fiabilité absolue : le prince de Monaco en personne le lui avait
assuré !
    Poincaré, en revanche, était très correctement au courant
des grands dossiers diplomatiques. En janvier 1913 encore, il était
installé dans le prestigieux bureau de Vergennes au Quai d’Orsay. Les
diplomates professionnels n’avaient guère eu besoin de « faire son
éducation », comme pour ses devanciers, et ce qu’il ne savait pas, il
l’assimilait vite. Poincaré passait pour un dur, un belliciste. Mais il fallait
être équitable. En quoi était-il responsable de l’assassinat de l’archiduc
François-Ferdinand ? En quoi était-il condamnable si l’Allemagne
se mettait à construire à tour de bras des cuirassés de
nouvelle génération ? En quoi pouvait-on lui faire grief du plan
Schlieffen qui envisageait d’infliger à la France, dès l’ouverture des
hostilités, une défaite écrasante et irréparable ?
    Porté à la tête de l’État, Poincaré n’avait qu’une
ambition : faire simplement et convenablement son travail en cette période
compliquée. Les états d’âme n’étaient pas son fort. Il se souciait comme d’une
guigne qu’on le qualifiât de « super-ministre des Affaires
étrangères » de la France. La critique était pour lui éloge. Peu lui
importait également que l’écrivain Émile Zola lui eût lancé un jour :
« Poincaré, vous êtes un petit homme [66]  ! »
Le « petit homme » gardait chevillée au cœur l’idée de la revanche.
    Irrédentiste dans l’âme, Poincaré était de ceux qui
n’avaient jamais accepté la perte de l’Alsace et de la Lorraine. Pour lui, la
Lorraine était la musculature de la France, les provinces du Centre, du Midi et
de l’Ouest en représentant les parties molles. Il s’indignait de la propagande
antimilitariste, celle d’un Remy de Gourmont qui proclamait avec insolence
qu’il ne donnerait pour la reconquête des provinces perdues « ni le petit
doigt de sa main droite parce qu’il la soutient quand il écrit, ni le petit
doigt de sa main gauche parce qu’il lui sert à abattre la cendre de sa
cigarette [67]  »…
    Quelque temps plus tôt, l’ami Paléologue lui avait tracé un
tableau pessimiste de la scène européenne. La conclusion de l’entretien, le
chef de l’État l’avait toujours à l’esprit :
    — Nous

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