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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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n’éviterons plus la catastrophe !
    — Non, monsieur le Président, nous ne l’éviterons plus,
mais nous devons agir comme si elle était encore évitable [68] .
    La scène remontait à janvier 1913 et la situation
n’avait cessé de se dégrader depuis lors. La guerre était proche. Depuis ces
dernières années, la morosité s’était installée. La guerre avait failli éclater
en 1905 quand l’Allemagne avait voulu s’ingérer dans les affaires du Maroc, au
nez et à la barbe de la France qui en exerçait alors le protectorat. Le Kaiser
en personne s’était rendu à Tanger en grand équipage. L’affaire s’était résolue
l’année suivante lors de la conférence d’Algésiras. Elle avait tourné à la
confusion de Berlin en provoquant un resserrement de l’entente franco-anglaise.
Elle annonçait également l’accord anglo-russe de 1907 qui devait définitivement
formaliser la Triple-Entente entre Paris, Londres et Saint-Pétersbourg. Qu’il
était loin désormais le temps où le grand-duc Vladimir Alexandrovitch, un des
oncles du tsar, s’exclamait de dépit : « J’espère vivre assez
longtemps pour entendre le râle d’agonie de l’Angleterre. »
    Plus menaçant que jamais, le spectre de la guerre avait
resurgi à l’occasion de la seconde crise marocaine de 1911. Cette fois, le
Kaiser n’avait pas hésité à dépêcher un navire de guerre, le Panther ,
dans le port d’Agadir sous prétexte de protéger les entreprises allemandes de
la région. À l’époque, Joseph Caillaux était à la présidence du Conseil. Au
plus fort de la tension, il avait posé au chef d’état-major des armées, le
général Joffre, une seule question :
    — Général, on dit que Napoléon ne livrait bataille que
s’il pensait avoir au moins 70 % de chances de succès. Aurions-nous
autant de chances de victoire en cas de guerre ?
    — Non, je ne considère pas que nous les aurions.
    — C’est bien, alors nous négocierons [69]  !
    Et Caillaux avait négocié. Plutôt habilement d’ailleurs,
même s’il avait court-circuité son propre ministre des Affaires étrangères, Justin
de Selves. Il est vrai que Caillaux avait dû troquer sa liberté totale d’action
au Maroc contre la cession d’une partie du Congo français. Les bellicistes de
tout poil lui en avaient tenu rigueur. L’heure n’était plus à la conciliation
et aux compromis.
    Le règlement marocain à peine entériné, la question
balkanique avait repris ses droits, plus insoluble que jamais. Le problème
n’était plus désormais de savoir si la guerre éclaterait mais quand et comment.
Cette interrogation, le président Poincaré la soulevait une fois encore tout en
sachant que ses interlocuteurs, tout comme lui-même, n’en avaient guère la
réponse.
    Aux côtés du chef de l’État, le président du Conseil René
Viviani, le directeur des Affaires politiques du Quai d’Orsay, Pierre de Margerie,
le chef d’état-major des armées Joseph Joffre ainsi que le premier sous-chef
d’état-major, le général Édouard de Castelnau. L’ordre du jour portait sur le
voyage, prévu de longue date, que Poincaré devait effectuer en Russie du 20 au
23 juillet.
    Affalé sur sa chaise, Viviani avait le regard des mauvais
jours. Il désapprouvait ce voyage. Selon lui, la crise européenne interdisait
aux dirigeants français de s’éloigner trop loin ou trop longtemps de Paris.
    Poincaré avait balayé l’argument d’un revers de main. Il ne
tenait pas Viviani en très haute estime. Paresseux, indécis, en état
d’excitation permanente, le chef du gouvernement était, lui aussi, ignare en
matière internationale. Ce républicain socialiste – il avait été naguère
le cofondateur avec Jean Jaurès du journal L’Humanité  – avait pour
principal atout un talent oratoire qui avait fait sa fortune politique.
Plutôt envieux, Clemenceau le traitait publiquement d’« orateur
péripatéticien, faisant des harangues kilométriques [70] … ».
    Poincaré concentrait son attention sur Margerie et Joffre.
Quelle était la ligne à tenir ? Quel était le message à délivrer à
Saint-Pétersbourg ?
    Pour le chef de l’État français, le dilemme était permanent.
Comment retenir diplomatiquement la Russie dans son engagement vis-à-vis de la
Serbie, tout en la pressant d’accélérer ses préparatifs militaires ? Cela
reflétait la peur panique de la France de se retrouver isolée en Europe comme
elle l’avait

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