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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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est
d’aider à ce que cette armée intervienne le plus rapidement possible sur le
front est afin de soulager nos troupes à l’ouest.
    — Ce n’est pas une question de volonté mais de
processus de mobilisation. À l’heure actuelle, le mieux que nous pouvons
espérer est que les Russes soient prêts à prendre l’offensive dès le 19 e  jour
de mobilisation…
    — Sera-ce suffisant ?
    Viviani n’avait pu s’en empêcher. Il le regretta aussitôt,
repris de volée par Castelnau :
    — Monsieur le Président du Conseil me fera la grâce de
supposer que notre armée pourra résister au moins trois semaines à l’armée
allemande [74]  !
    Sans s’en soucier le moins du monde, Castelnau cultivait
l’antipathie comme par plaisir. Se référant à sa bigoterie maladive, Clemenceau
l’avait traité un jour de « général de Jésuitière ». D’autres, et ce
n’était guère mieux, le surnommaient le « capucin botté ». Trop
d’arrogance, trop de suffisance. Un tel comportement reflétait les nouvelles
conceptions de la hiérarchie militaire : attaque à outrance dans la grande
tradition de l’épopée napoléonienne et de la furor gallica , primauté
donnée à l’esprit combatif des soldats et aux forces morales.
     
    L’état-major était longtemps resté sur des stratégies
purement défensives, dans la logique du traumatisme de Sedan et du désastre de
1870. Conséquence de ce complexe d’infériorité au moins inavoué, pendant près
de quatre décennies on avait érigé des réseaux de forteresses. On avait étiré
des lignes de défense de Belfort à Épinal, de Toul à Verdun mais aussi à
l’ouest, de Maubeuge à Lille.
    À partir du début des années 1910, on jeta aux orties
cette philosophie militaire. On commença alors à parler d’« élan
vital ». On se mit à faire fond sur la volonté de vaincre, sur
l’enthousiasme de l’offensive ainsi que sur des traditions pluriséculaires avec
lesquelles il convenait de renouer. Les inspirateurs de cet esprit nouveau
furent le général Ferdinand Foch, alors directeur de l’École de guerre et le
colonel Louis de Grandmaison, qui passait pour un des plus talentueux stratèges
de l’état-major.
    Ces nouvelles conceptions offensives présentaient un
avantage séduisant : elles laissaient le champ libre à l’improvisation et
à l’esprit d’opportunisme, mère de toutes les grandes victoires du passé. Elles
reposaient cependant sur un pari risqué : celui que l’armée allemande
attaquerait en Lorraine, éventuellement dans les Ardennes, mais certainement
pas à l’ouest, par la Belgique. Telle était la logique du nouveau plan
stratégique, baptisé « Plan XVII », qui avait été adopté par le
Conseil supérieur de la guerre en mai 1913.
    Les conceptions offensives tous azimuts rallièrent
l’assentiment de l’état-major militaire comme du pouvoir politique. Quelques
rares officiers comme le général Estienne ou le colonel Pétain, objectèrent que
l’artillerie lourde et la puissance de feu auraient plus que leur mot à dire au
cours de la prochaine guerre. Leurs remarques passèrent inaperçues.
    Personne ne prit au sérieux le 2 e  bureau,
chargé du renseignement, alors que ce dernier faisait état d’informations sur
les intentions allemandes d’invasion de la Belgique, dès le début des
hostilités, par Liège, Namur et Charleroi. À son habitude, Castelnau avait été
péremptoire :
    — Rien qu’une diversion allemande destinée à nous
égarer. Pourquoi le Kaiser prendrait-il le risque de dresser l’Angleterre
contre lui en violant la neutralité de la Belgique [75]  ?
    L’objection était loin d’être inepte. On ne savait pas
encore qu’elle serait cruellement démentie par les faits.
    Les débats stratégiques comme les querelles de chapelle
importaient peu à Poincaré. Il lui fallait montrer aux autres puissances que la
France était prête et déterminée. Peu auparavant, l’ambassadeur d’Angleterre à
Paris, sir Francis Bertie, avait adressé une recommandation parfaitement
claire au Quai d’Orsay :
    — Si vous voulez que l’Angleterre vous aide, il faut
qu’elle vous sache résolus à vous défendre. Nous n’aimons pas secourir les gens
qui ne veulent pas se battre [76] .
    Plus que jamais, la visite officielle en Russie paraissait
nécessaire à Poincaré. Il y emmènerait son président du Conseil, René Viviani.
Peu convaincu, ce dernier avait fait contre

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