1940-De l'abîme a l'espérance
à Berlin les mardi 12 et mercredi 13 novembre.
« Molotov vient d’arriver à Berlin par temps gris et sous la pluie, note William Shirer. Je l’ai vu passer Unter den Linden, en route vers l’ambassade soviétique. Il ressemble à un maître d’école provincial. » Voire…
L’homme trapu, la démarche pesante, a survécu à toutes les rivalités du « gang d’égorgeurs du Kremlin », rappelle Shirer.
Il reçoit un accueil froid et cérémonieux, passe entre deux rangées inquiétantes et figées de SS casqués.
Il oppose dans toutes les discussions un réalisme glacé aux vastes promesses de Ribbentrop puis de Hitler.
« Aucun homme d’État étranger ne s’était permis jusqu’alors de parler au Führer sur ce ton en ma présence », relève l’interprète, le docteur Schmidt.
Molotov désarçonne Hitler qui, à bout de nerfs, interrompt l’entretien du mardi 12 novembre.
Le lendemain, Molotov écoute Hitler lui proposer de participer au partage de l’Empire britannique et, ignorant cette offre, il pose des questions précises sur les initiatives allemandes aux frontières de l’URSS.
Hitler abandonne la discussion et ne participe pas au dîner offert par Molotov à l’ambassade soviétique.
Au moment où Ribbentrop se lève pour répondre au toast porté par Molotov au début du dîner, les sirènes retentissent et l’on se précipite aux abris.
Et lorsque Ribbentrop déclare une nouvelle fois que l’Angleterre est vaincue, Molotov dit seulement, mais sa voix est cinglante : « S’il en est ainsi, que faisons-nous dans cet abri et d’où viennent les bombes qui pleuvent sur Berlin ? »
Staline quelques jours plus tard se déclare prêt à adhérer au pacte Japon, Italie, Allemagne, mais les conditions qu’il pose sont telles que Hitler ne peut que les refuser.
Le Führer réunit ses chefs militaires et déclare :
« Staline est un homme habile et retors, un maître chanteur cynique aux exigences insatiables. Il demandera toujours davantage. Conclusion : la Russie doit être réduite à merci, le plus tôt possible. »
« C’est une guerre mondiale et totale qui s’annonce », prévoit de Gaulle.
« Une telle guerre est une révolution, la plus grande de toutes celles que le monde a connues », poursuit-il dans le discours qu’il prononce le vendredi 29 novembre à la radio de Londres.
« Il est maintenant établi que si des chefs indignes ont brisé l’épée de la France, la nation ne se soumet pas au désastre.
« Oui, la flamme de la résistance française, un instant étouffée par les cendres de la trahison, se rallume et s’embrase…
« Que voulons-nous ? D’abord combattre.
« Ce que nous apportons, nous, les Français Libres, d’actif, de grand, de pur, nous voulons en faire un ferment.
« Nous, les Français Libres, entendons faire lever un jour une immense moisson de dévouement, de désintéressement, d’entraide.
« C’est ainsi que, demain, revivra notre France. »
32 .
« Français,
« Je viens de prendre une décision que je juge conforme à l’intérêt du pays. »
Il est 19 h 30, ce samedi 14 décembre 1940, et ce message du maréchal Pétain surprend les auditeurs.
Les émissions de radio ont été interrompues et la voix solennelle du présentateur des grands événements a annoncé que le chef de l’État allait s’adresser à la nation.
Le silence s’est fait aussitôt autour du poste de TSF dont on s’est rapproché.
On sent bien depuis quelques jours que « quelque chose se prépare ».
Il y a eu cet article de Marcel Déat publié le 2 décembre à Paris dans l’ Œuvre.
Déat a une voix qui porte. Cet ancien socialiste qui refusait la guerre – il ne voulait pas « mourir pour Dantzig » – est un ardent partisan de la collaboration, un converti au national-socialisme, il est proche de Doriot, l’ancien communiste créateur du Parti populaire français. Mais les deux hommes sont rivaux, même s’ils frappent avec la même ardeur sur les « lâches » de Vichy.
Marcel Déat écrit dans l’ Œuvre, ce lundi 2 décembre, et ce ne peut être qu’avec l’accord de la Propaganda Staffel et d’Abetz, l’ambassadeur du Reich.
« Les ministres ont trahi la confiance que le Maréchal avait mise en eux… En cette heure difficile où la France se relève et doit se retrouver, il n’est pas possible d’en remettre plus longtemps le sort
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