1940-De l'abîme a l'espérance
contrôlée par les services de la Propaganda Staffel, dénonce chaque jour les « Anglophiles et les Juifs qui infestent Vichy et… Kahn ».
Vichy cède.
L’amiral Darlan sollicite une audience du Führer afin de lui remettre une lettre personnelle du Maréchal, chef de l’État.
Le mercredi 25 décembre – jour de Noël ! – l’entrevue a lieu dans le wagon du Führer qui stationne non loin d’un tunnel, à la Ferrière-sur-Epte, à 40 kilomètres au sud-ouest de Beauvais.
Hitler est hors de lui. Il tonitrue. Il menace Darlan, les Français :
« Je déclare solennellement que pour la dernière fois, j’offre une politique de collaboration à la France. Mais je crains que le gouvernement français ne s’engage à nouveau dans la même voie que celle qui l’a conduit à Vichy. Je le regrette et je crois que tôt ou tard la France se rendra compte, si elle refuse la collaboration, qu’elle a pris une des décisions les plus regrettables de son histoire. »
Hitler, furieux, ponctue chaque phrase de grands gestes, il va et vient, éructe.
« Jamais je n’ai engueulé un officier comme je le fus, confie l’amiral Darlan. Et encore, l’interprète n’a dû me transmettre qu’une partie des vitupérations d’un Hitler démoniaque. »
En fait, Darlan chancelle sous l’orage.
« J’ai fait tout ce voyage pour une conversation de vingt minutes qui n’a rien résolu, rien réglé. J’ai écouté l’explosion d’une mauvaise humeur. »
Mais sous l’avalanche des mots, Darlan cède, donne des preuves de sa bonne volonté.
Il a toujours pensé, dit-il, que « le seul espoir de la France résidait dans la collaboration avec l’Allemagne dans le cadre de l’Ordre nouveau européen ».
Il reprend, presque terme à terme, les propos de Laval, comme s’il cherchait à proposer ses services, à remplacer Laval, afin d’être au sein du gouvernement français l’homme de la collaboration.
« Comme Européens, les Français doivent collaborer loyalement avec l’Allemagne, dans la mesure à déterminer, il est vrai, par le Führer, dit-il.
« La France, en tant que pays vaincu – et je ne l’oublie pas un instant –, ne peut en effet collaborer que dans la mesure désirée et fixée par l’Allemagne. »
Il va plus loin, critique la politique extérieure de la France des vingt dernières années.
« En ce qui me concerne personnellement, j’ai toujours été partisan de la collaboration franco-allemande depuis que je joue un rôle dans la vie publique en France, précise-t-il.
« Je demande très respectueusement que l’Allemagne veuille bien continuer la collaboration avec la France. »
C’est la fin de l’année quarante.
« Pour les hommes qui ont décidé la capitulation, dit de Gaulle, les hommes qui ont accepté que l’ennemi fût et demeurât à Paris, à Bordeaux, à Lille, à Reims, à Strasbourg, qui ont proclamé non seulement la soumission de la France mais encore sa collaboration avec l’ennemi qui l’écrase… Il ne leur restera qu’à suivre jusqu’au bout la route de la trahison. »
Darlan, après Laval.
Il est en ces jours de la fin décembre, alors qu’on manque de charbon et de pain, que les queues s’allongent devant des boutiques aux rayons vides, d’autres hommes.
L’un d’eux, un ingénieur de vingt-huit ans, Jacques Bonsergent, est conduit dans les fossés du fort de Vincennes, à l’aube du lundi 23 décembre. Hier, dimanche 22, on lui a appris qu’il ne serait pas gracié. Au cours d’une bousculade, rue Saint-Lazare, non loin de la gare parisienne, un compagnon de Jacques Bonsergent a levé la main sur un Feldwebel – un sous-officier – de la Wehrmacht. C’est Jacques Bonsergent qui a été arrêté et condamné à mort le jeudi 5 décembre, par la cour martiale allemande.
Le lundi 23 décembre, il est fusillé.
Des affiches sont apposées, quelques heures plus tard, sur les murs de Paris. Elles annoncent, en allemand et en français, l’exécution.
Sous les affiches aux lettres noires, les policiers français ont collé un Avis.
« La préfecture de police informe que la lacération et l’endommagement d’affiches de l’Autorité Occupante seront considérés comme actes de sabotage et punis des peines les plus sévères. »
Mais les affiches de la Kommandantur sont lacérées.
Elles sont bientôt gardées par des agents de police qui semblent constituer une garde d’honneur
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