1940-De l'abîme a l'espérance
tournera vers cette Russie soviétique, cette URSS avec qui on a signé le 23 août 1939 un pacte de non-agression, avec qui l’on s’est partagé la Pologne vaincue, mais dont les initiatives dans les pays Baltes, en Finlande, montrent l’agressivité, les ambitions.
Il faudra la briser, faire des étendues russes l’espace vital allemand.
Mais chaque chose en son temps.
Le jeudi 23 novembre 1939, Hitler réunit à la Chancellerie du Reich les généraux en chef et les officiers d’état-major. On devine qu’il éprouve un intense plaisir à se retrouver face à ces membres de l’élite militaire, nobles souvent, qu’il domine, lui, le caporal de 14-18, décoré de la croix de fer de première classe, et devenu chancelier du Reich. Il leur parle les yeux fixes. Mais le visage est mobile. Le ton est exalté. Les mains s’ouvrent et se crispent, ponctuent chaque mot :
« Aucun militaire, aucun civil ne pourrait me remplacer, dit-il. Je suis convaincu de la puissance de mon intelligence, et de ma fermeté. Nul n’a jamais accompli ce que j’ai accompli. J’ai conduit le peuple allemand à un sommet même si le monde nous hait comme à présent… Le destin du Reich ne repose que sur moi et j’agirai en conséquence. »
Il se raidit, dressé sur la pointe des pieds, les poings fermés devant son visage :
« Ma décision est irrévocable, martèle-t-il. J’attaquerai la France et l’Angleterre au moment le plus favorable et le plus proche. Violer la neutralité de la Belgique et de la Hollande est sans importance. Personne ne mettra cela en question quand nous aurons vaincu… L’esprit des grands hommes de notre Histoire doit nous encourager tous. Le destin ne nous demande pas plus qu’aux grands Allemands de notre Histoire. Aussi longtemps que je vivrai, je ne penserai qu’à la victoire de mon peuple. Je ne reculerai devant rien et j’anéantirai tous ceux qui s’opposent à moi. Je veux anéantir l’ennemi. »
Les généraux et les officiers d’état-major – les von Rundstedt, les von Brauchitsch, les Keitel, les Halder, les Guderian, et tous les autres – se lèvent, claquent des talons, et se figent au garde-à-vous.
Anéantir l’ennemi ? Quel ennemi ?
Cet homme qui, il y a quelques jours, le 8 novembre au soir, a fait exploser une bombe, à Munich, dans cette brasserie du Bürgerbräukeller où le Führer s’était rendu pour célébrer, comme chaque année, l’anniversaire de sa prise de parole en ce lieu, le 9 novembre 1923, sa première tentative de s’emparer du pouvoir ?
L’attentat du 8 novembre 1939 est-il une provocation ? Une manière d’impliquer les services secrets anglais, accusés par Goebbels, ministre de la Propagande, d’avoir voulu assassiner le Führer !
Quels ennemis ?
Ces passagers du paquebot Athenia, torpillé dès le 3 septembre 1939, à 400 kilomètres des côtes d’Irlande, par le sous-marin U30 dont le capitaine ne pouvait ignorer qu’il s’agissait d’un navire désarmé, ayant à son bord des Américains, dont vingt-huit périrent.
Goebbels affirme que Churchill a fait exploser le navire et que la marine allemande n’est en rien responsable du naufrage, dont le lord de l’Amirauté anglaise est seul coupable.
Quels ennemis ?
C’est Himmler, chef de la Gestapo, Reichsführer des SS, cette troupe d’élite, qui raconte aux jeunes officiers de la Leibstandarte SS, qui n’ont pu participer à la campagne de Pologne, ce qu’ont accompli les troupes nazies :
« Cela se passa en Pologne, dit Himmler, par une température de 40 degrés au-dessous de zéro, où nous devions traîner au loin des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de gens, où nous dûmes avoir le dur courage – vous devez entendre cela mais aussi l’oublier immédiatement – de fusiller des milliers de notables polonais… Messieurs, il est plus facile dans bien des cas d’aller au combat avec une compagnie que de supprimer une population arriérée, encombrante, de procéder à des exécutions, d’expulser des gens, ou de tramer des femmes en larmes ou à bout de nerfs… »
2 .
Que savent-ils des massacres perpétrés en Pologne, les deux commandants de la Luftwaffe qui, à l’aube du mercredi 10 janvier 1940, descendent de la voiture qui les a conduits au bout de la piste de l’aérodrome de Münster, au pied de cet avion dont le moteur tourne maintenant à plein régime,
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