1942-Le jour se lève
rappellent que les troupes sont
épuisées, que les Panzerdivisionen ont vu leur nombre de chars réduit, que les
Italiens, les Roumains, les Hongrois ne disposent ni d’artillerie ni de chars, que
ces divisions alliées n’ont pas l’expérience de la guerre à l’Est, de sa
sauvagerie.
Si ces alliés cèdent, les divisions allemandes seront
vulnérables sur leurs flancs.
Et les Russes disposent de leurs T34, puissants, et des
Katioucha, ces lance-fusées à tubes multiples. Le général Halder indique que
selon le service de renseignements allemand, les usines soviétiques de l’Oural
produisent chaque mois 600 à 700 chars.
Hitler furibond frappe du poing sur la table, hurle qu’un
tel taux de production est impossible. Puis il hausse les épaules, revient à
ses projets d’offensive, comme s’il avait déjà oublié l’information que vient
de lui communiquer Halder. Il est à nouveau enfoui dans ses certitudes.
Ce qui compte d’abord, dit-il, c’est Stalingrad, ce nœud de
communication, situé sur la rive droite de la Volga, et dominant le pont de
terre qui s’étend jusqu’à la boucle du Don. Et puis il y a le Caucase.
Il l’a dit, il le répète, comme s’il ne pouvait échapper à
ses obsessions : Stalingrad, le Caucase.
Et l’offensive sera confiée aux divisions allemandes. Les
Alliés tiendront la ligne du Don et celle de la Volga.
Ces fleuves eux-mêmes les protégeront.
À Rome, Goering parade.
Le 4 février, jour de son départ, il paraît ne pas
entendre les questions précises que Ciano lui pose sur l’engagement des troupes
italiennes sur le front de l’Est.
Pendant tout le repas, à l’Excelsior, Goering « parle »
surtout des bijoux qu’il possède. Il a effectivement aux doigts des bagues d’une
beauté exceptionnelle. Il a expliqué qu’il les a achetées en Hollande pour des
sommes faibles – relativement faibles – après que les objets précieux
eurent été séquestrés.
« On m’a raconté, poursuit Ciano, que Goering joue avec
les pierres précieuses comme un petit enfant avec des billes.
« Lorsqu’il est nerveux, ses adjudants lui apportent un
petit sac plein de diamants ; il les verse sur la table, les compte, les
aligne, les mélange, et ainsi il redevient heureux.
« Un officier de grade élevé disait de lui hier soir :
“Il a deux amours, les belles choses et la guerre.” Ce sont tous deux des
plaisirs coûteux.
« Pour se rendre à la gare, le Reichsmarschall obèse, constellé
d’une panoplie de décorations, endosse une ample pelisse de zibeline et ainsi
ressemble à quelque chose entre un chauffeur de 1906 et une cocotte à l’Opéra. Si
l’un de nous s’habillait de cette façon, il se ferait lapider. »
Et que diraient les soldats du front, s’ils voyaient leur
Reichsmarschall dans cet accoutrement, soucieux plus de ses diamants que de
leur sort ?
Sans doute continueraient-ils à se battre, parce que l’ennemi
est en face, impitoyable, et qu’il n’y a pas d’autre issue que de s’accrocher
au sol gelé, de rester avec ses camarades.
« Le plus terrible, c’est quand ils rampent », raconte
le colonel Zinoviev au correspondant de guerre Vassili Grossman.
C’est le mois de janvier 1942, à une quarantaine de
kilomètres de Kharkov.
Ces Allemands appartiennent à la VI e armée
du général Friedrich Paulus.
« Tu leur tires dessus, à la mitrailleuse, continue le
colonel Zinoviev – un paysan qui en 1927 a rejoint l’armée Rouge –, tu
leur tires dessus au mortier, avec l’artillerie, tu les écrases et eux ils
rampent, ils rampent, ils rampent ! Moi, désormais, je demande la même
chose à mes soldats : “Rampez !” »
Grossman participe aux attaques avec la division du colonel
Zinoviev.
« Gel mordant, neige qui crisse. L’air glacé coupe la
respiration. Les narines deviennent collantes, les dents font mal.
« Sur les axes de notre avance gisent les Allemands
gelés. Les corps sont absolument intacts. Ce n’est pas nous qui les avons tués,
c’est le froid.
« Des petits malins redressent les Allemands gelés sur
leurs jambes ou à quatre pattes, ils créent de savants groupes sculptés, fantastiques.
Les corps gelés sont debout, les poings levés, les doigts écartés, certains ont
l’air de courir en rentrant la tête dans les épaules. Ils portent des
chaussures et de petites capotes toutes minces, en papier, des tricots qui ne
gardent
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