1942-Le jour se lève
de Sachsenhausen, et des centaines d’autres
y sont déportés.
En fait, les dirigeants nazis, quel que soit leur rang, ont
peur. Quand un officier SS inspecte un camp de concentration, il dit en
ricanant, face aux déportés figés depuis des heures au garde-à-vous, immobiles
sous peine de mort :
« Maintenant que vous êtes im Dreck –
dans la merde –, voyons de quoi vous êtes capables, vous les Juifs. »
Phrase méprisante, et cependant le défi qui est lancé révèle
l’incertitude, l’angoisse même.
Et lorsque la dizaine de Juifs à Berlin font exploser un
engin artisanal qui ne cause que de légers dégâts, Goebbels avoue qu’il « n’a
aucune envie d’être abattu par un “Ost Jude” de vingt-deux ans ».
« Je représente au Führer mon projet d’évacuation
complète des Juifs de Berlin, poursuit-il. Que 40 000 Juifs qui n’ont
rien à perdre puissent encore écumer librement dans Berlin représente un grand
danger. C’est un défi et une invitation aux assassinats. Si cela commence, plus
personne ne sera en sécurité ; même des Orientaux de vingt-deux ans ont
participé au dernier attentat à la bombe incendiaire ; cela en dit long. Je
prône une fois de plus une politique radicale contre les Juifs et le Führer m’approuve
sans réserve. » Hitler insiste sur la brutalité des Juifs et leur soif de
vengeance.
« Le Führer pense que pour nous, personnellement, le
danger augmentera si la situation militaire devient plus critique. »
L’attentat de Berlin – dérisoire, comparé aux effets de
la guerre, à la puissance du Reich, à la « solution finale » – est
reçu comme un avertissement : il faut achever l’extermination des Juifs au
plus vite.
Or le 27 mai 1942 – neuf jours à peine après l’attentat
de Berlin –, l’Obergruppenführer SS Reinhard Heydrich, chef de l’Office
central pour la Sécurité du Reich au sein de la SS, protecteur de la Bohême et
de la Moravie, maître d’œuvre de la conférence de Wannsee sur la « solution
finale », celui qu’on appelle le « boucher de Prague » et dans
la SS la « bête blonde », est tué dans un attentat.
Il n’est pas l’œuvre de Juifs.
C’est le gouvernement tchèque en exil à Londres qui l’a
organisé.
Heydrich en effet, cynique et habile, après avoir exterminé
la résistance tchèque, fusillant, déportant, a accordé des avantages matériels
aux ouvriers tchèques qui travaillent dans les usines d’armement, les séparant
ainsi de l’élite patriote.
Abattre Heydrich, personnage qui incarne l’ordre nazi, c’est,
selon les Tchèques de Londres, déclencher la répression, et donc raviver la
résistance.
Deux Tchèques, de l’Armée libre tchécoslovaque, formés en
Angleterre, Jean Kubis et Jozef Gabeck, sont parachutés à proximité de Prague.
L’attentat est facile à exécuter.
Heydrich circule sans escorte, empruntant tous les jours le
même itinéraire, souvent en Mercedes décapotable.
Il se rend de sa maison, à une vingtaine de kilomètres de
Prague, au château de Hradcany.
Kubis et Gabeck lancent, le 27 mai 1942, une bombe qui
blesse mortellement Heydrich. Ils réussissent à fuir, à se réfugier dans l’église
Saints-Cyrille-et-Méthode à Prague.
Dénoncés par un agent anglais du SOE (Special Operations
Executive), ils repoussent avec un groupe de résistants et d’agents du SOE durant
plusieurs heures l’assaut des SS, puis ils se suicident.
Le nazisme est frappé à la tête.
Heydrich représentait les SS, le symbole même du Reich de
Hitler. Et le Führer veut pour Heydrich des funérailles grandioses, même s’il a
pesté contre l’Oppensgruppenführer admiré, jalousé, accusé même d’avoir une
ascendance juive – ce qui est faux.
Pour Hitler, Heydrich a fait preuve « de bêtise et de
stupidité » en circulant sans escorte, en se laissant aller à des « gestes
héroïques ».
Au vrai, Heydrich, au visage énigmatique, est un personnage
singulier qui désarçonne par sa « logique », implacable.
« Vous… vous, avec votre logique, a un jour hurlé
Himmler, tout ce que je propose vous le démolissez avec votre logique, vos
froides critiques raisonneuses. »
L’homme, glacial, est ému seulement lorsqu’il joue du violon.
Himmler l’accuse d’être « totalement divisé »
parce qu’il a une ascendance juive.
Heydrich, un soir d’ivresse, aurait tiré sur
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