1942-Le jour se lève
d’une
minorité, mais l’attitude à l’égard des Allemands a changé.
On ne condamne pas les attentats contre les forces d’occupation,
et on est révolté par les exécutions d’otages.
L’attitude des personnalités qui soutiennent le maréchal
Pétain et son gouvernement – présidé par l’amiral Darlan – se modifie.
On doute de la victoire allemande, alors on se retire ou l’on se tient sur la
réserve, ou même l’on refuse de suivre les directives allemandes.
Xavier Vallat, qui préside le Commissariat aux questions
juives, écrit le 7 février 1942, à l’amiral Darlan :
« Je n’ai pas l’intention d’aller plus loin dans les
concessions au point de vue allemand, car, si l’harmonisation – des
mesures antisémites – devait se traduire par un simple alignement sur la
position allemande, je ne pourrais pas personnellement en assurer la
responsabilité politique et morale. »
Xavier Vallat s’oppose à l’institution en zone libre de l’étoile
jaune et du couvre-feu spécial qui sont ordonnés en zone occupée.
Il alerte les Juifs parisiens de la date à laquelle il sait
que les nazis prévoient les rafles.
Les Allemands, le 20 février 1942, lui refusent tout
laissez-passer ( Ausweis ) pour se rendre en zone occupée.
C’est à cette occasion que Vallat démissionne, aussitôt
remplacé à la tête du Commissariat aux questions juives par Darquier de
Pellepoix, dont on connaît le fanatisme antisémite.
Car si des « pétainistes » commencent une retraite
prudente dictée par le rejet des méthodes nazies et par la lucidité qui les
fait s’éloigner du camp allemand dont ils jugent l’avenir incertain, d’autres
au contraire s’enfoncent plus avant dans la collaboration qu’ils veulent totale.
Ceux-ci misent tout sur l’Allemagne.
Ils souhaitent le retour au pouvoir de Pierre Laval, qui en
a été chassé par Pétain le 13 décembre 1940. Ils exigent que le
gouvernement de Vichy s’engage dans la construction d’un nouvel Ordre français,
non plus seulement conservateur, mais « révolutionnaire », sur le
modèle fasciste et nazi.
Pour eux, il faut que la France de Pétain mène aux côtés de
l’Allemagne de Hitler la « croisade contre le judéo-bolchevisme ». C’est
ce que font sur le front de l’Est les hommes engagés dans la Légion des
volontaires français.
Ce combat, il faut aussi le conduire en France.
Pucheu, ministre de l’intérieur de Pétain, décide ainsi de
recruter au sein de la Légion – qui regroupe les anciens combattants de
14-18 – une minorité, qui constituera le Service d’Ordre Légionnaire (SOL).
Il sera commandé par Joseph Darnand, l’ancien combattant de
14-18 et de 39-40, célébré comme un héros.
Darnand est aussi un ancien « cagoulard », membre
de cette ligue d’extrême droite, le Comité Secret d’Action Révolutionnaire (CSAR)
qui, pour le compte de Mussolini, a, en 1937, assassiné les deux frères
Rosselli, des antifascistes italiens.
Les 21 et 22 février 1942, à Nice – « sa »
ville –, Joseph Darnand préside à l’investiture publique des candidats au
SOL.
Veillée, face à la mer, dans le monument aux morts creusé
dans le roc, puis défilé, en uniforme et torche au poing, dans les rues de la
ville, durant la nuit du 21 février.
Le lendemain, dans les arènes romaines, aux cris de Maréchal et de France, les SOL écoutent Darnand, emphatique, célébrer le « Chef » –
Pétain – et les interroger :
« Êtes-vous prêts à tout moment et en tous lieux à
obéir au Chef sans discussion et sans réserve ? »
À chaque question, les 2 000 SOL répondent – hurlent –
un oui « viril ».
« Jurez-vous d’être, scande Darnand :
« Contre la dissidence gaulliste pour l’unité française,
« Contre le bolchevisme pour le nationalisme,
« Contre la lèpre juive pour la pureté française,
« Contre la franc-maçonnerie païenne pour la
civilisation chrétienne ?
« Accomplissant un geste rituel, poursuit Darnand, vous
allez placer genou en terre en signe d’humilité et de dévotion envers le
maréchal en qui la France s’incarne.
« À genoux !… »
Les SOL écoutent le serment lu par Darnand.
« Je m’engage sur l’honneur à servir la France et le
maréchal Pétain, chef de la Légion…
« SOL, debout ! »
La cérémonie, pâle copie, dérisoire imitation des rituels
nazis et
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