1942-Le jour se lève
passe parmi les « cinq cents Français tombés »
entre les mains des Allemands de la XC e division légère.
La plupart sont blessés. Aucun d’eux ne baisse les yeux. Ils
se sont battus avec détermination, et ils se sont accrochés aux 1 200 emplacements
de combat qu’ils avaient aménagés.
« Une fois de plus, écrit Rommel, la preuve est faite
qu’un chef décidé à ne pas jeter le fusil après la mire, à la première occasion,
peut réaliser des miracles même si la situation est apparemment désespérée. »
Mais Rommel ne s’attarde pas. Il vient de s’emparer du point
d’appui de Bir Hakeim. Il doit, à l’autre extrémité de la ligne de défense
anglaise, conquérir le port de Tobrouk.
Une action rapide s’impose.
Il roule donc vers la forteresse anglaise assiégée.
Les traces de la défaite britannique sont partout visibles
sur la route et sur les bas-côtés. D’énormes quantités de matériel ont été
abandonnées par les Anglais. Des véhicules incendiés, des carcasses vides et
noircies par les flammes jalonnent le désert.
Rommel fait arrêter son command-car.
Il marche le long de ces colonnes entières de véhicules
tout-terrain intacts laissés par les Anglais. Les Allemands s’affairent à les
remettre en route. Bras croisés, Rommel les observe, répond à leur salut.
« J’estime quant à moi, explique-t-il, que les
obligations du commandant en chef ne sont pas limitées au travail qu’il
accomplit dans son état-major. Il doit se montrer fréquemment sur le front pour
s’assurer personnellement, en détail, de l’exécution de ses ordres… Le
commandant en chef doit être l’élément moteur de la bataille et il faut que
chacun se sache constamment soumis à son contrôle… Le chef doit garder un
contact étroit avec sa troupe. Il doit sentir et penser comme elle. La confiance
est à ce prix. »
Mais cette volonté de Rommel de se trouver au plus près des
combattants comporte des risques.
Lorsque Rommel constate que la division italienne Ariete a
perdu le contact avec les unités de l’Afrikakorps, il part à sa recherche.
« Mais je me trouvai bientôt pris dans un combat de
chars. Les obus sifflaient de toutes parts et je fus heureux de pouvoir fuir ce
séjour guère enviable ! »
Il s’éloigne, mais « lorsque je revins à mon poste de
combat, une batterie britannique me prit pour cible.
« Finalement, en ayant assez, je transférai mon poste
de commandement dans le fortin d’El-Hatian qui avait hébergé l’état-major du 30 e corps
d’armée britannique. »
De ce lieu, il conduira l’attaque contre Tobrouk, défendu
par des unités anglaises, indiennes, sud-africaines.
À la jumelle, il regarde les fortifications de ce port
assiégé depuis des mois et qui résiste : « Certains secteurs de la ceinture
extérieure de fortifications étaient littéralement arrosés de sang : chaque
mètre carré avait fait l’enjeu de combats acharnés… »
Le 20 juin 1942, Rommel écrit à sa « très chère Lu ».
« Deux heures de sommeil seulement la nuit dernière. C’est
vraiment la journée décisive. J’espère que ma chance tient. Très fatigué. Autrement,
tout va bien. »
Avant l’aube, plusieurs centaines de bombardiers de la
Luftwaffe pilonnent l’endroit choisi pour l’assaut, dans le secteur sud-est de
la forteresse.
« J’observai personnellement, écrit Rommel, les effets
considérables de cette attaque. D’immenses colonnes de poussière s’élevaient
au-dessus des retranchements occupés par les Indiens et les expulsions
projetaient dans les airs les obstacles et les armes. »
Puis c’est l’assaut, les combats sont acharnés.
« À 5 heures, le 21 juin 1942, j’entrai dans
la ville de Tobrouk. Elle offrait un spectacle lugubre. À peu près toutes les
maisons étaient rasées ou ne formaient qu’un monceau de gravats… »
À 9 h 40, Rommel reçoit la capitulation de la
forteresse de Tobrouk, des mains du général Klopper, commandant la forteresse
et la 2 e division sud-africaine.
L’entretien est courtois.
« Je chargeai le général sud-africain de faire régner l’ordre
parmi les prisonniers et d’assurer leur substance sur les stocks capturés. »
Cette guerre-là, aucun de ceux qui la mènent ne conçoit d’appliquer
la barbarie qui accompagne les combats sur le front de l’Est : blessés
achevés, prisonniers abattus, laissés sans nourriture,
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