1942-Le jour se lève
besoin.
En 1942, on comptera près de 5 millions de travailleurs
étrangers en Allemagne. Des camps surgissent pour accueillir ces travailleurs
forcés, des « volontaires »… raflés, ces prisonniers de guerre
contraints au travail.
Tous sont affamés, épuisés avant même d’avoir travaillé, surveillés,
battus, exécutés.
Il y a dans les camps près de 3,5 millions de Russes
faits prisonniers, mais seulement 5 % d’entre eux sont en état de
travailler. Les autres meurent de faim et d’épuisement.
Ceux qui travaillent – et ce sera souvent une agonie –
« se procureront leur propre nourriture (chats, chevaux) », écrivait Goering
quand il était chargé de l’économie du Reich.
« L’ouvrier allemand est par principe toujours le
patron du Russe. » Ce dernier est surveillé par des membres des forces
armées, l’ouvrier allemand agissant à titre de police auxiliaire… Éventail des
sanctions : de la réduction des rations alimentaires au peloton d’exécution :
en général, rien entre les deux.
Les Polonais connaissent un sort aussi barbare.
Tous ces étrangers, des « sous-hommes », battus, humiliés –
les femmes violées –, sont voués à la mort.
Tel est le Reich en ce printemps 1942.
Les Allemands y sont entourés d’une foule d’« esclaves »,
alors que les jeunes Allemands – par le jeu de l’abaissement de l’âge de
la conscription – et les adultes âgés – par le relèvement de cet âge –
partent pour le front de l’Est. Où chaque mois, en cette année 1942, 60 000 hommes
de la Wehrmacht sont mis hors de combat – tués, blessés, prisonniers !
Et dans les villes allemandes, aux périphéries desquelles
les travailleurs étrangers s’entassent dans des camps, la population est
frappée par les attaques aériennes devenues presque quotidiennes de la Royal
Air Force et de l’US Air Force.
Il s’agit pour les Anglais – le chef du Bomber Command,
le général Arthur Harris – de frapper les villes allemandes afin de
remonter le moral des Britanniques qui, en ce printemps 1942, est mis à mal par
les victoires de l’Afrikakorps de Rommel.
Les bombardiers Wellington, Lancaster, Stirling –
et bientôt Forteresse volante et Liberator – écrasent sous
leurs bombes Hambourg, Lübeck – ville sans aucun intérêt industriel ni
stratégique, détruite dans la nuit du 28 au 29 mars 1942 –, Rostock, Berlin,
Essen, Nuremberg, Dortmund, Duisburg et toutes les villes de la Ruhr.
La population allemande subit avec fatalisme.
« Nous n’avons plus le contrôle de notre destin, nous
sommes forcés de nous laisser emporter par lui et de prendre ce qui vient sans
confiance ni espoir », écrit dans son journal une Allemande.
« Nous nous trouvons dans une situation d’infériorité
impuissante, confie Goebbels, et il nous faut encaisser les coups des Anglais
et des Américains avec rage et opiniâtreté. »
Les raids de représailles sur les villes anglaises voulus
par le Führer ont peu d’effet. Et cet insuccès – dans la défense aérienne
de l’Allemagne et dans la riposte sur l’Angleterre – affaiblit encore l’autorité
de Goering, Reichsmarschall à la tête de la Luftwaffe.
Quand, dans la nuit du 30 au 31 mai 1942, Cologne est
écrasé sous les bombes larguées par 1 046 appareils de la RAF, Goering
ne peut admettre cette réalité.
Albert Speer, qui est convoqué le matin suivant au château
de Veldenstein, en Franconie, où se trouve Goering, raconte.
« Goering est de mauvaise humeur, refusant de croire
les rapports sur le bombardement de Cologne : “Impossible, on ne peut pas
larguer autant de bombes en une seule nuit”, gronde-t-il en s’adressant à son
aide de camp.
« “Passe-moi le Gauleiter de Cologne !”
« Nous avons ensuite été les témoins d’une conversation
téléphonique absurde :
« “Le rapport de votre commissaire de police est un
foutu mensonge !”
« Le Gauleiter semblait vouloir contredire Goering.
« “Je vous dis moi en tant que Reichsmarschall que les
chiffres cités sont trop élevés. Comment osez-vous raconter de telles
affabulations au Führer ?” »
Goering craint les réactions du Führer, sa remise en cause. Et
c’est ce qui a lieu.
Hitler, à son quartier général de Rastenburg, écoute les
rapports des officiers de la Kriegsmarine et de la Wehrmacht sur la situation
militaire. Puis il interroge :
« La
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