1942-Le jour se lève
ainsi les
journaux Combat, Franc-Tireur, mais aussi L’Humanité clandestine, l’organe
du parti communiste – révèle de nouveaux faits accablants pour le régime
de Vichy.
« Les horreurs déferlent sur la zone dite libre, peut-on
lire dans Franc-Tireur, en août 1942.
« À Lyon, Toulouse, Marseille, Nice, Montélimar, dans
les bourgs et les villages de tous les départements, la population française
indignée a été témoin de scènes infâmes et déchirantes : la battue des
malheureux réfugiés israélites que Vichy livre aux bourreaux hitlériens. Des
vieillards de soixante ans, des femmes et des malheureux gosses ont été avec
les hommes empilés dans des trains qui partent vers le Reich et vers la mort. C’est
dans notre patrie que cette abjection se passe ! Vichy semble s’acharner à
déshonorer la France. »
Laval est interpellé par le chargé d’affaires américain à
Vichy qui s’indigne de l’attitude de la police française. Elle traque les Juifs
« étrangers » et les livre aux Allemands.
Laval répond, sarcastique, que les États-Unis n’ont qu’à
recueillir ces « indésirables qui se livrent au marché noir, à la
propagande gaulliste et communiste ».
Mais Laval refuse, comme l’y invite le diplomate américain, de
faire une demande officielle d’asile aux États-Unis pour ces Juifs pourchassés,
voués à la mort.
Car désormais, même si on ne se l’avoue pas, on sait ,
au fond de soi, que l’est de l’Europe, vers où l’on dirige les Juifs arrêtés en
France, est la terre du Grand Massacre.
Les autorités catholiques s’émeuvent.
À Vichy même, à l’église Saint-Louis, le révérend père
Dillard, un dimanche de juin 1942, devant les dignitaires du régime, invite les
fidèles à prier non seulement pour les prisonniers de guerre, mais aussi pour
les 80 000 Français que l’on bafoue en leur faisant porter une étoile
jaune.
On contraindra bientôt le père Dillard à quitter Saint-Louis
de Vichy, et il sera plus tard déporté au camp de Dachau où il mourra.
L’assemblée des cardinaux et archevêques réunie à Paris en
juillet 1942 adresse une supplique au Maréchal :
« Nous ne pouvons étouffer le cri de notre conscience… »
Les termes sont pesés, le mot Juif n’est pas écrit. Les
ecclésiastiques demandent que soient respectées les exigences « de la
justice et de la charité ».
Ce
sont Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, et Mgr Théas de Montauban qui, dans
leurs lettres pastorales, ont, en dépit des pressions exercées par les préfets
de Pétain, le courage de « nommer » et de « décrire » l’horreur.
Mgr Saliège, le dimanche 30 août 1942, fait lire en
chaire, dans toutes les églises du diocèse, une lettre vibrante.
« Que des enfants, que des femmes, des pères et des
mères soient traités comme un vil troupeau ; que des membres d’une même
famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination
inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
« Notre Dame, priez pour la France !
« Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont lieu
dans les camps de Noé et de Récébédou.
« Les Juifs sont des hommes. Les Juives sont des femmes.
Les étrangers sont des hommes. Les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas
permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et
mères de famille. Ils font partie du genre humain comme tant d’autres. Un
chrétien ne peut l’oublier.
« France, patrie bien-aimée, France qui porte dans la
conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France
chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces
horreurs. »
Dans les temples de l’Église protestante, les pasteurs –
ainsi les pasteurs Trocmé, Theis, qui prêchent dans les villes et villages du
Massif central, notamment au Chambon-sur-Lignon – s’élèvent depuis des
mois déjà contre les arrestations, les déportations, le sort réservé aux Juifs.
Ils ont condamné le « statut des Juifs » mis en
place dès l’été et l’automne de 1940 par le gouvernement de Vichy.
De nombreux croyants – chrétiens, catholiques ou
protestants – accueillent, cachent les Juifs qui ont réussi à échapper aux
rafles et aux camps.
Et c’est cette résistance d’hommes et de femmes, cet héroïsme
des Justes qui sauvent de la
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