1942-Le jour se lève
mais les « ailes »
avaient tenu et avaient encerclé les légions romaines !
« Le schéma de la bataille de Stalingrad correspond au
plan classique de la bataille de Cannes », confie Tchouikov.
On le regarde avec étonnement et ironie.
Tchouikov déclare : « Nous sommes dans la
situation des Carthaginois », et il répète la prédiction énoncée par
Staline, lors de la parade du 7 novembre 1942 sur la place Rouge :
« Nous aussi, nous ferons bientôt la fête dans nos rues. »
32 .
Mais avant de « faire la fête », il faut durant
des mois tuer et mourir à Stalingrad, cette ville, ce champ de ruines devenu l’« académie
de combats de rue ».
Le général Tchouikov l’explique à Vassili Grossman, qui pour L’Étoile rouge a rejoint Stalingrad.
« Il faut, dit Tchouikov, que les tranchées creusées
par nos troupes soient à vingt mètres de l’ennemi. Les Allemands ne pourront
pas ainsi faire donner leur aviation. Nos sentinelles entendent les Allemands
aller et venir dans leurs tranchées. Elles entendent les disputes qui éclatent
quand les Allemands partagent la nourriture. Toute la nuit, elles entendent l’ennemi. »
On mène ainsi ce que les Allemands appellent la Rattenkrieg, la guerre des rats.
La guerre est devenue cet affrontement sauvage dans les
caves, les égouts et les ruines des immeubles.
« On attaque, poursuit Tchouikov. La retraite, c’est la
mort. Tu reculeras et on te fusillera. Je reculerai et on me fusillera. Dans
ces conditions, un soldat qui est encore vivant après trois jours est un ancien. »
C’est le combat rapproché. On utilise grenades, pistolets-mitrailleurs,
pelles affûtées, poignards, lance-flammes.
C’est, dans les ruines d’immeubles, une guerre d’étage à
étage.
« Les nôtres sont en haut. Les Allemands, en bas, ont
mis en marche un phonographe, les nôtres ont percé un trou dans le plancher et
ont tiré au lance-flammes. »
C’est aussi la guerre des « snipers », des tireurs
d’élite.
Il faut attendre des heures avant d’ouvrir le feu.
« En deux jours, dit l’un de ces tireurs – Anatoli
Tchékhov, né en 1923 –, j’en ai descendu dix-sept ! Ils ont envoyé
des femmes – des Russes contraintes, mais pas seulement, de servir comme
auxiliaires. J’ai tué deux femmes sur cinq. Le troisième jour, j’ai repéré un
“sniper” allemand dans une embrasure. J’ai guetté et j’ai tiré. Il est tombé et
s’est mis à crier en allemand. Ils ont cessé d’aller chercher de l’eau. En huit
jours, j’ai descendu quarante Allemands. Trois dans la poitrine, les autres à
la tête. Quand le coup part, la tête retombe tout de suite en arrière, ou sur
le côté. Ils projettent les bras en avant et ils tombent. »
Vassili Grossman écoute le sniper, allongé parmi les ruines,
près de lui.
« Je suis devenu féroce, murmure le jeune tireur de
dix-neuf ans, je tue, je les hais, comme si toute ma vie devait être comme ça. »
Les journaux rapportent les exploits de ces tireurs d’élite.
Et la bataille de Stalingrad prend ainsi la dimension d’un
affrontement décisif et légendaire.
La bataille est héroïque. Et les défenseurs de Stalingrad le
sont.
Le 6 novembre 1942, la veille de la célébration de l’anniversaire
de la révolution de 1917, les journaux publient en première page le Serment des
défenseurs de Stalingrad adressé à Staline.
« Cher Joseph Vissarionovitch,
« L’ennemi s’était fixé pour objectif de couper la
Volga, notre grande voie fluviale, puis en obliquant au sud vers la Caspienne
de couper notre pays de ses principales réserves de carburant… Si l’ennemi
réussit, il pourra alors tourner toutes ses forces contre Moscou et Leningrad…
« En vous envoyant cette lettre des tranchées, nous
vous jurons, cher Joseph Vissarionovitch, que, jusqu’à la dernière goutte de
notre sang, jusqu’à notre dernier souffle, jusqu’au dernier battement de notre
cœur, nous défendrons Stalingrad. Nous jurons de ne jamais ternir la gloire des
armées russes et de combattre jusqu’au bout…
« Sous votre commandement, nos pères ont gagné la
bataille de Tsaritsyne. Sous votre commandement, nous gagnerons la bataille de
Stalingrad. »
L’écho de cette « bataille héroïque » résonne dans
le monde entier.
Churchill, dès la mi-août, se rend à Moscou pour à la fois
manifester son soutien à la Russie et avertir
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