1943-Le souffle de la victoire
qu’avec vous. Vous êtes le dernier gouvernement de la France. Après
vous, ce sera un Gauleiter. »
Et Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères du Reich,
développe le même argument, le 2 janvier 1943 :
« La France se trouve aujourd’hui à un carrefour. Elle
doit choisir entre son adhésion sans réserve à l’Europe et sa disparition
totale de la scène du monde. »
Laval cède, parce qu’il est allé trop loin dans la
collaboration pour pouvoir se renier, et parce qu’il a besoin de l’illusion qu’il
conserve à la France toutes ses cartes en collaborant avec les nazis.
L’un de ses proches confie :
« La souveraineté française est encore sauvegardée. Pierre
Laval était parti à ce rendez-vous avec le Führer, investi par le Maréchal des
pleins pouvoirs ; il revient de son voyage avec les pleines
responsabilités. »
Et Laval ajoute :
« C’est un nouveau départ. On avait donné à la France
sa chance, on lui en donne une nouvelle… »
Qui peut le croire ?
Il faudrait imaginer que l’Allemagne peut encore gagner la
guerre. Et il suffit de ce nom, Stalingrad, pour que le doute détruise les
illusions auxquelles s’accrochent les collaborateurs les plus compromis.
Mais l’atmosphère a changé à Vichy.
On ne voit plus le maréchal Pétain – et Pierre Laval –
se promener sans escorte dans les rues.
Les intrigants, les ambitieux, les admirateurs du Maréchal
ont déserté Vichy qui n’est plus la capitale d’un État qui conserve une part de
sa souveraineté puisque la France est occupée depuis le débarquement américain
au Maroc et en Algérie.
Les Allemands sont les maîtres de tout le territoire
national et le « gouvernement français » – Pétain, chef de l’État,
et Laval, chef du gouvernement – ne dispose plus que de quelques
apparences de pouvoir.
Des « gardes mobiles » et la garde du Maréchal, soit
quelques centaines d’hommes, assurent la protection de Laval et de Pétain.
L’hôtel du Parc est gardé comme une forteresse. Une porte
blindée a été installée dans l’escalier qui permet de passer de l’étage Laval à
l’étage Pétain.
Laval, qui passe ses nuits dans sa propriété de Châteldon, rejoint
chaque matin Vichy en voiture blindée. Le long de la route, un garde armé est
en faction tous les cent mètres. Des policiers, revolver au poing, attendent
Laval devant l’hôtel du Parc.
Vichy, jadis bruissant de rumeurs, de tensions et de
conciliabules, n’est plus un lieu de pouvoir. N’y demeurent que les personnages
« officiels » attachés à une fonction gouvernementale ou liés à
Pétain ou à Laval.
Pour tous les autres, « Vichy n’est plus intéressant
mais dangereux. Vichy est rejeté par les collaborationnistes comme par les
gaullistes. La fidélité au Maréchal fond comme neige au soleil. Les vocations
résistantes s’affirment, la onzième heure approche ».
C’est l’effet Stalingrad qui vient s’ajouter à l’effet
El-Alamein et au basculement de l’Afrique du Nord après le débarquement
américain du 8 novembre 1942.
Chacun pressent que le prochain « saut » conduira
les Alliés en Europe. Débarquement en Sicile, en Italie, en Normandie, en Grèce,
dans les Balkans ? On est sûr que l’un d’entre eux aura lieu.
Le temps n’est plus où l’on était fier d’avoir reçu des
mains du Maréchal la « francisque », la décoration emblématique de la
« Révolution nationale ».
« À Vichy, écrit Maurice Martin du Gard, chacun prépare
son dossier. “Moi, dit tel ministre, j’ai sauvé tant de travailleurs !”
“Moi, dit un chef de la police, j’ai planqué les fils de généraux gaullistes
dans une école de gendarmerie.” “Moi, dit un autre, j’ai sauvé tant de Juifs.” »
Les collaborationnistes résolus – Marcel Déat, Jacques
Doriot, Philippe Henriot, Joseph Darnand –, c’est-à-dire ceux qui savent
que leur sort est déterminé par le destin du nazisme, dénoncent ce « cloaque »
vichyssois, son attentisme.
Même s’ils critiquent Pierre Laval, s’ils espèrent – c’est
le cas de Déat, de Doriot – lui succéder – avec l’appui allemand –,
ils partagent l’analyse du chef du gouvernement lorsqu’il dit :
« Cette guerre est une guerre de religion. La victoire
de l’Allemagne empêchera notre civilisation de sombrer dans le communisme.
« Il y a plusieurs routes à suivre,
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