1943-Le souffle de la victoire
Seulement cette mort, ils la répandent autour d’eux. C’est
même la seule chose qu’ils sachent faire. »
Ils ont pris en main le camp de Drancy jusque-là dirigé par
les autorités françaises.
Le régime du camp sévère devient sous la férule des SS –
et d’abord du Hauptsturmführer-SS, Alois Brunner – l’antichambre de
la mort.
On y frappe, on y torture, on y tue. On y est poussé dans
les wagons plombés qui partent pour les camps d’extermination et d’abord
Auschwitz.
La Gestapo ne connaît plus aucune limite territoriale. Ses
hommes envahissent l’ex-zone sud, interviennent en plein cœur de Vichy – ainsi
un magistrat est-il arrêté dans le bureau du garde des Sceaux !
Ils se font ouvrir les portes des prisons, arrachent les
détenus à leurs cellules et les conduisent à Paris où, le plus souvent, ils
sont torturés, exécutés ou déportés.
Les bourreaux sont fréquemment des Français. Une Gestapo « française »
est dirigée par un gangster, Laffont, et un policier révoqué, Bony.
Cette bande de la « rue Lauriston », composée de
condamnés de droit commun que Laffont a fait libérer de prison grâce à l’appui
des autorités allemandes, est plus cruelle encore que la Gestapo qui opère en
plusieurs lieux et notamment rue des Saussaies. On dénombre plus d’une dizaine
de centres de torture à Paris.
Les rafles visant les Juifs réfugiés dans l’ancienne zone « libre »
se multiplient. La police française exécute les ordres des autorités allemandes.
Les Juifs sont traqués. Ils fuient les villes de la côte méditerranéenne et d’abord
Nice et Cannes, et gagnent les villages et les cités des Alpes.
Heureusement, les départements du sud de la France sont
occupés depuis le 11 novembre 1942 par les troupes italiennes qui s’opposent
à ces rafles, à ces déportations.
« Cela, remarquent les Italiens, a été fait non sans
rencontrer toutefois une certaine résistance dictée encore une fois chez les
Français par le désir de voir se confirmer leur souveraineté. »
Pierre Laval et René Bousquet, le secrétaire général de la
police française, sont en effet soucieux de la « souveraineté française »,
quitte à obéir aux nazis – comme lors de la grande rafle du Vélodrome d’Hiver
le 16 juillet 1942 !
Paradoxe, aveuglément, on devient l’exécutant des ordres
nazis afin d’affirmer qu’on est « souverain » !
Quand, le 3 janvier 1943, un attentat a lieu contre une
« maison close » du quartier du Vieux-Port à Marseille fréquentée par
les soldats de la Wehrmacht, le problème de l’attitude des autorités françaises
se pose aussitôt.
L’attentat a provoqué la mort de plusieurs « clients »
des prostituées, autant d’Allemands que de Français. Mais Hitler, au vu du
rapport qui lui est transmis, est emporté par la colère. Il convoque Himmler :
« La ville de Marseille est un repaire de bandits, dit-il.
Cela a existé de tout temps ; mais aujourd’hui, c’est l’Allemagne qui en
supporte les conséquences. »
Il serre les poings, les brandit.
« Il n’y a qu’une mesure à prendre. D’après les
renseignements qui me sont donnés, tous les bandits sont concentrés dans le
quartier du Vieux-Port. Il y a dans ce quartier des souterrains ; il y a
des moyens d’action exceptionnels. On me signale qu’un grand nombre de
déserteurs allemands y sont cachés. Il n’y a donc qu’une solution : je
donne l’ordre de raser tout ce quartier du Vieux-Port. »
Oberg, le représentant de Himmler en France, se rend
aussitôt à Marseille, fustigé par Himmler qui l’accuse de ne pas avoir signalé
ce que le Führer vient de lui révéler. Les instructions du Führer doivent être
exécutées sans délai.
Oberg annonce à René Bousquet que la police allemande va
encercler le 1 er arrondissement de Marseille, arrêter les 50 000 personnes
qui l’habitent. Elles seront déportées. S’il y a des résistances, elles seront
brisées à l’aide de tanks, puis le quartier sera détruit.
René Bousquet et le préfet régional Lemoine obtiendront que
l’opération soit conduite par la police française.
Elle débutera le 24 janvier 1943 à 5 heures du
matin. Les destructions seront moins étendues que celles prévues par les
Allemands, et les « déportés » ne seront que… 20 000, dont la
moitié seront internés dans un camp « français » à Fréjus
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