1943-Le souffle de la victoire
plus, Frenay a pris contact en Suisse avec Allen Dulles.
Ce chef des services de renseignements américains (OSS) est
disposé à fournir des fonds au mouvement Combat.
Or la force de Max, c’est qu’il est le dépositaire et le
répartiteur des sommes importantes que la France Libre verse à la Résistance. C’est
sa force, son moyen de pression.
Frenay s’émancipe donc au moment où, pour résister aux
pressions anglo-américaines, de Gaulle a besoin d’une Résistance rassemblée
autour de lui.
Les représentants des partis politiques français sont d’autant
plus nécessaires au sein du CNR.
De Gaulle a eu raison d’écrire à Max-Rex :
« Vous avez toute ma confiance. Nous approchons du but,
voici l’heure des plus durs efforts. »
Max, à son retour de Londres, retrouvant son secrétaire
Daniel Cordier, mesure à quel point de Gaulle a vu juste.
Max apprend que Pierre Brossolette – alias Brumaire –
mène une « campagne de dénigrement systématique contre lui ».
Il accuse Max-Rex d’être un ambitieux sans scrupules, cherchant
à imposer une politique personnelle pour laquelle il n’a reçu de De Gaulle
aucun mandat.
Brossolette incite les chefs des mouvements à s’opposer à
ses initiatives.
Et Brossolette-Brumaire – Max le sait – est un
gaulliste de la première heure, un patriote prêt à sacrifier sa vie.
Mais Brumaire – avec Passy – veut prendre de
vitesse Moulin, créer un comité de coordination pour la zone nord, rendant
impossible la création du CNR.
« Je m’y attendais, dit Moulin. Ils me le paieront ! »
Février 1943.
L’ennemi tue des Français chaque jour.
L’issue de la guerre est encore incertaine et lointaine, mais
on se déchire déjà pour le pouvoir futur ! Brossolette explique son projet
de création d’un grand parti autour du général de Gaulle, intégrant les débris
des anciens partis, à l’exception du Parti communiste et des nationalistes d’extrême
droite.
Moulin sait que cette perspective écarterait du CNR ces
personnalités qu’il a sollicitées.
Comment Brossolette et Passy ne mesurent-ils pas les coups
qu’ils portent à de Gaulle, qu’ils veulent pourtant servir ?
« Ils me le paieront », répète Moulin.
Il arrive de Londres.
Il est dans sa chambre à Lyon, en compagnie de Daniel
Cordier, qui se souvient [2] :
« Jean Moulin pose sa valise sur le lit. Quand il l’ouvre,
un papier de soie apparaît, protégeant une sorte de tissu bleu. Il le saisit et
se tourne vers moi : “J’ai pensé que vous en auriez besoin pour vous
protéger du froid toujours vif à Lyon.”
« Je déplie le papier : c’est une écharpe en
cachemire tricolore, bleu marine d’un côté, bleu ciel de l’autre, mes couleurs
préférées. De ma vie je n’ai reçu un cadeau aussi somptueux, ni aussi émouvant.
Plus que l’objet, c’est le bonheur de découvrir que, durant son séjour encombré,
il a pensé à moi et pris le temps de choisir un cadeau pour marquer son
attention à ma santé.
« J’ai envie de l’embrasser pour le remercier de tout :
son présent, son retour, l’homme qu’il est. Mais Rex n’est pas quelqu’un que l’on
embrasse. En dépit de son sourire et de sa gentillesse, son regard creuse un
abîme entre nous.
« Il ne laisse d’ailleurs aucun temps aux effusions et
enchaîne : “Voici les instructions de Londres. Rapportez-les décodées
demain matin.” La récréation est terminée. »
Dans les jours qui suivent, en ce mois de février 1943, Max
réussit, jour après jour, à convaincre les représentants de la Résistance de la
nécessité de créer, comme le veut de Gaulle, un Conseil National de la
Résistance : le CNR.
Le patriotisme l’emporte face à Roosevelt et à Churchill, la
position de De Gaulle en sort renforcée.
En Algérie, le général Giraud s’apprête à publier huit
ordonnances qui rétablissent la législation républicaine et abrogent toutes les
mesures prises sous l’« inspiration de l’ennemi ». L’Algérie va
cesser d’être encore, près de trois mois après le débarquement américain, un « Vichy
sans Pétain ». Et de Gaulle peut annoncer sa prochaine visite à Alger, pour
y rencontrer le général Giraud, « grand soldat et noble figure ».
L’horizon s’éclaircit.
Jean Moulin et les états-majors des mouvements de Résistance
s’apprêtent à quitter Lyon pour Paris, puisque c’est dans la
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