1943-Le souffle de la victoire
position.
Mais les Francs-Tireurs et Partisans, liés au Parti
communiste, déclarent qu’ils poursuivront leurs actions, leurs attaques contre « le
matériel et le personnel ennemi ».
« Ils prétendent, note Passy, tuer plus de 500 Allemands
par mois et s’emparer à chaque fois de leurs armes… Ils ont de nombreuses
pertes mais chacune de leurs attaques leur amène des adhérents au décuple. Ils
considèrent aussi que c’est seulement en entraînant leurs troupes
continuellement qu’ils arriveront à les aguerrir. »
Passy
et Brossolette voient bien quelles sont les intentions communistes : frapper
l’Allemand et s’imposer comme la force principale de la Résistance, et donc
contrôler, entraver de Gaulle qui vise à l’unité dans la France Combattante de
tous les ennemis de l’occupant.
Mais en dépit de la création des Mouvements Unis de la
Résistance (MUR), les communistes maintiennent leur autonomie tout en
rejoignant les MUR. Ils sont « dedans et dehors ».
Et les Anglais, directement, font passer des armes aux « organisations
communistes de la ceinture rouge de Paris ». « Des Allemands sont
abattus tous les jours dans les rues de Paris, écrit au début de 1943 un membre
des réseaux anglais qui opèrent en France, et 90 % de ces attentats sont
effectués à l’aide d’armes fournies par nous aux communistes. »
Est-ce pour les Anglais une « manière d’empêcher de
Gaulle d’unir toute la Résistance – communistes compris – sous
sa direction ?
Le soupçon existe.
En ces premières semaines de l’année 1943, on l’a vu en Afrique
du Nord, Churchill et Roosevelt envisagent d’écarter de Gaulle en le privant de
moyens.
« De Gaulle est un fanatique et je crois qu’il a
pratiquement tout du dictateur », répète Roosevelt, et Churchill approuve.
Les deux hommes d’État – et d’abord Roosevelt – soutiennent
le général Giraud.
Ils rêvent d’une transition négociée, sous leur direction et
leur patronage, entre Vichy et ceux qui ont refusé la collaboration.
Exit de Gaulle, et entente entre Pétain et Giraud !
La France serait mise sous tutelle anglo-américaine. De
Gaulle ne l’accepte pas.
Mais il ne dispose que d’un atout maître : cette
unification – de toute la Résistance – autour de lui.
C’est l’enjeu décisif de 1943.
De Gaulle sait qu’il peut compter, pour réaliser cette unité,
sur Jean Moulin, que l’on connaît dans la clandestinité sous les noms de Max, de
Rex, de caporal Mercier.
Le 9 février 1943, il lui fait parvenir un message.
« Mon cher ami,
« […] L’ensemble de mes informations me confirment, s’il
en était besoin, dans l’opinion que votre immense tâche est en excellente voie…
Je suis sûr qu’une autorité accrue vous permettra de développer encore plus
votre action.
« Vous avez toute ma confiance. Nous approchons du but,
voici l’heure des plus durs efforts.
« Croyez, mon cher ami, à mes sentiments les plus
profondément dévoués.
« Charles de Gaulle. »
Le 21 février, de Gaulle rappelle que Rex est son seul
représentant permanent pour l’ensemble du territoire métropolitain.
Rex a autorité sur Passy et Brossolette et sur les chefs des
mouvements de résistance (Frenay, d’Astier de La Vigerie, Jean-Pierre Levy…).
Le général Delestraint qui commande l’Armée Secrète est
placé lui aussi sous son autorité.
De Gaulle précise le but à atteindre :
« Il doit être créé dans les plus courts délais possible
un Conseil de la Résistance unique pour l’ensemble du territoire métropolitain
et présidé par Rex, représentant du général de Gaulle. »
Moulin, alias Rex, Max, caporal Mercier, va se vouer à cette
tâche : constituer le CNR, Conseil National de la Résistance.
La guerre que mène Moulin est celle d’un soldat de l’« armée
des ombres » ; craignant d’être identifié, suivi, arrêté.
Il passe d’une « planque » à l’autre, sachant qu’il
lui faut se convaincre qu’il résistera à la torture s’il est pris.
Ce peut être à n’importe quel moment : un contrôle
inopiné alors qu’on attend un train, le soupçon d’un policier, d’un
Feldgendarme plus méfiant que d’autres.
Le risque existe du « retournement » d’un
responsable qui connaît toutes les boîtes aux lettres, les adresses, et qui
craint tellement la souffrance qu’il livre tout aux agents de la
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