1943-Le souffle de la victoire
Gestapo avant
même qu’on l’ait giflé.
Et rien ne laisse présager que cet homme efficace, ce
patriote, ce résistant courageux, qui fait partie de l’état-major du mouvement Combat, se briserait, livrerait tout ce qu’il sait, permettant à la Gestapo de
dresser un organigramme presque complet des mouvements de la Résistance, et de
l’Armée Secrète, dans ce qui était la zone sud – « libre » –
de la France jusqu’au 11 novembre 1942.
Ce traître, un certain Murton, a ainsi parlé de ce « grand
chef », représentant de De Gaulle dont l’un des pseudonymes est Max.
Ce prénom, les Allemands l’écrivent au centre de l’organigramme.
De lui partent tous les fils qui relient les réseaux et les
hommes qui les composent.
Si Max est arrêté, si on réussit à le faire parler, toute la
Résistance sud s’effondre.
Il faut arrêter Max. Mais qui est Max ?
C’est un homme maître de lui, d’une rigueur implacable dans
le respect des règles de la vie clandestine.
Il se rend souvent à Londres.
La nuit, un Lysander de la Royal Air Force se pose en
quelques dizaines de mètres sur un terrain de fortune dans le Jura ou le Massif
central. Les résistants l’ont balisé. Le pilote n’arrête pas les moteurs. Des
hommes – un, deux, trois – qui arrivent de Londres sautent à terre. L’un
d’eux reconnaît Moulin, qui s’apprête à monter dans le Lysander. Il veut le
retenir et tente de le convaincre de ne pas partir cette nuit pour Londres.
L’un des résistants saisit Moulin aux épaules et le
précipite dans l’avion en lui disant :
« En avant. J’ai reçu l’ordre de vous faire partir, vous
partirez. J’ai cette mission à accomplir. »
Moulin laisse faire. Il sait qu’une « armée des ombres »
ne survit que si chacun respecte, applique les consignes, les ordres reçus.
Et
puis ces voyages à Londres sont indispensables.
Max-Rex a de longues conversations en tête à tête avec de
Gaulle.
Il lui fait part des oppositions qu’il rencontre.
Les fondateurs des mouvements de Résistance veulent garder
leur autonomie. Ils s’élèvent contre le fait que Max-Rex compose le CNR en
prenant directement contact avec les personnalités qu’il juge représentatives. Même
attitude, même réserve à l’égard de l’Armée Secrète. Pourquoi Max a-t-il choisi
le général Delestraint ?
Henri Frenay, le fondateur de Combat, est le plus
hostile.
« Je ne m’associerai pas à cette mauvaise action, a-t-il
dit à Moulin. Jamais je ne siégerai dans votre Conseil National de la
Résistance. »
Les chefs de mouvement sont aussi opposés à l’idée que des
représentants des partis politiques siégeront en tant que tels au CNR.
Ils envisagent – comme aussi Pierre Brossolette – dans
la France libérée, la disparition de ces partisans qui ont sombré avec la III e République
en 1940.
De Gaulle a été lui aussi hostile aux partis, mais Jean
Moulin est persuadé que dans le CNR ils ont leur place.
Sans eux, enracinés dans l’histoire française, de Gaulle ne
pourrait rassembler. Une longue lettre de Léon Blum va dans le même sens.
Léon Blum écrit :
« Un État démocratique ne peut pas vivre ou ne peut pas
être conçu raisonnablement sans l’existence de partis politiques…
« Rendez-vous compte bien clairement, je vous en
conjure, que les organisations de Résistance qui sont sorties du sol français à
votre voix ne pourront à aucun degré se substituer à eux. […]
« Je ne verrais pour ma part que des dangers à ce que
les organisations de Résistance, une fois accomplie la tâche en vue de laquelle
elles ont été créées, se survécussent sous leur forme actuelle. »
Et Blum évoque ce qu’elles pourraient devenir.
« Syndicats d’intérêts égoïstes et surannés comme les
associations d’anciens combattants de l’autre guerre, ou bien milices
paramilitaires, redoutables à toutes les républiques…
« Vous, dont le nom est désormais identifié avec la
restauration de la démocratie en France, vous devez sentir mieux que personne l’évidence
de ces vérités… »
De Gaulle se rallie à cette thèse. C’est le grand tournant
en février 1943.
Il y aura des représentants des partis politiques au CNR.
Mais les tensions deviennent encore plus vives entre Max et
Henri Frenay. Les confrontations sont dures : les deux hommes s’accusent
mutuellement d’être des ambitieux.
De
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