1943-Le souffle de la victoire
de plus que l’adversaire est celui qui
vaincra », on ricane.
Tripoli est aux mains des Anglais de Montgomery, le Fezzan
est conquis par Leclerc. Il n’y a plus d ’Impero italien !
On mesure l’ampleur du désastre subi par la Wehrmacht sur le
front de l’Est aux cérémonies de deuil qui ont enveloppé de voiles noirs et de
musique wagnérienne tout le Reich allemand.
Alors Goebbels peut bien hurler « le mot “capitulation”
n’existe pas dans notre vocabulaire », et le Führer dire « 1943 ne
sera pas 1918 », on écoute de Gaulle qui, à Radio-Londres, le 4 février
1943, dresse avec lucidité le bilan de la guerre.
« Les récents discours de Berlin, dit-il, étalent aux
yeux et aux oreilles du monde l’angoisse qui étreint l’ennemi.
« Ce recul entre la mer Blanche et le Caucase, ces
corps d’armée encerclés, ces généraux qui capitulent, cette retraite
ininterrompue depuis le Nil jusqu’au Mareth, et depuis les confins du Tchad
jusqu’au golfe de Gabès, voilà qui est inquiétant pour l’Allemagne et pour ses
alliés. Comment pourraient-ils maintenant imaginer la Victoire ? »
Mais de Gaulle évoque aussitôt « la force et la ruse
des dictatures qui ont encore assez de ressources pour balancer le destin !
Dans le drame terrible de cette guerre comme dans les grandes tragédies
classiques, l’issue demeurera douloureuse jusqu’à la scène du dénouement ! ».
Alors, il faut agir.
« Pour ce qui le concerne lui-même, le peuple français,
conclut de Gaulle, entend se libérer par le sang et par les armes… »
Ces armes ne peuvent être des pavés.
À Montluçon, à Roanne, dans d’autres villes, les gares sont
envahies par des manifestants qui veulent empêcher les wagons pleins de « requis »
du Service du Travail Obligatoire de partir pour l’Allemagne.
Les gardes mobiles, les policiers – auxquels se sont
joints des miliciens – tentent d’empêcher la foule d’occuper les voies, les
halls de gare. Ils chargent, crosses levées. Ils mettent en joue.
Les manifestants répondent à coups de pavés.
Les wagons sont détachés des locomotives.
Les manifestants chantent La Marseillaise et L’Internationale.
Dans la foule, les communistes crient « Vive l’URSS »,
mots que recouvrent les « Vive de Gaulle », « Vive la France »,
« Pas de Français pour l’Allemagne », « Pas de soldats pour
Hitler ».
Une compagnie de la Wehrmacht, baïonnette au canon, charge
et dégage la gare de Montluçon, mais sur 160 requis, seulement 20 partent. Les
autres ont dû passer au « maquis ».
Le 11 février 1943, dans l’Alsace annexée au Reich, 183 jeunes
gens venant de plusieurs villages, convoqués pour s’inscrire sur le « rôle »
de la Wehrmacht, se rassemblent et réussissent en cheminant dans la neige, par
les champs et les bois, à franchir la frontière suisse.
La répression s’abat sur leurs familles.
Et quand les jeunes gens du village de Ballesdorf tentent
eux aussi de gagner la Suisse, les Allemands sont sur leurs gardes. Les jeunes
gens se défendent. Ils sont repris. Et 14 d’entre eux sont fusillés au camp de
concentration du Struthof.
Les autorités allemandes organisent systématiquement des
déportations massives : dans l’arrondissement d’Altkirch, sur une
population totale de 46 000 personnes, 2 364 sont déportées.
Et pour combler les vides, les Allemands installent dans les
fermes des ouvriers polonais et ukrainiens.
Rien n’y fait : ni la répression, ni les trahisons, ni
les aveux de ceux qui parlent sous la torture.
La vague de la Résistance enfle au fil des jours de cette
année 1943 dont chacun sent qu’elle est décisive.
À Londres, autour de De Gaulle, on s’interroge.
Faut-il, sans attendre un débarquement en France, inciter
les résistants à l’« action immédiate », à ces attentats contre les
officiers et les soldats de la Wehrmacht, qui se paient d’exécutions d’otages ?
Passy, le chef du Bureau Central de Renseignements et d’Action
(BCRA), se rend en France en compagnie de Pierre Brossolette, brillant
journaliste socialiste, qui a rejoint de Gaulle et agit au sein du BCRA.
« Nous avons reçu avant notre départ de Londres, confie
Passy, la consigne d’essayer de freiner dans la mesure du possible l’ action
immédiate », si coûteuse en hommes.
Tous les groupements de résistance sont persuadés de la justesse
de cette
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