1943-Le souffle de la victoire
toute
tentative de débarquement.
Lorsqu’il évoque cette perspective, le Comando Supremo et
Kesselring poussent de hauts cris ! Que Rommel aille se faire soigner en
Europe et ne revienne jamais en Afrique !
« Le Führer s’inquiéterait de moi, note avec
satisfaction Rommel… Mais je reçois à tout instant des ordres de Rome, alors
que la responsabilité repose sur moi. C’est intolérable !
« Il m’arrive souvent de penser que ma tête va éclater.
Nous sommes continuellement obligés de suivre des chemins qui mènent au bord de
l’abîme, alors que si les choses venaient à aller mal, les conséquences
seraient terribles. »
Il regarde autour de lui.
« C’est déjà le printemps de ce côté de la mer, arbres
en fleur, prairies, soleil… Le monde pourrait être si beau pour tous les hommes !
Il y aurait de telles possibilités de pourvoir à leurs besoins et de les rendre
heureux ! Il y aurait tant à faire surtout sur cette terre d’Afrique aux
espaces illimités ! »
Il veut tenter de plaider la cause auprès de Hitler. Il va
se rendre en avion au Grand Quartier Général du Führer. Avant de partir, il
délègue ses pouvoirs au général von Arnim.
À Rome où il fait escale, il voit les généraux italiens du Comando
Supremo et il comprend que personne n’imagine qu’il retournera en Tunisie. Le
Führer l’enverra en convalescence.
Mussolini le reçoit pendant vingt-cinq minutes. Le Duce, qui
parle allemand, est cordial.
« La perte de Tunis produirait un choc considérable en
Italie », dit-il.
Rommel l’observe.
Ce Duce est un grand comédien, mais sûrement pas un Romain, comme
il cherche à s’en donner l’apparence.
Il ajoute :
« À ce moment, le Duce voit s’écrouler tous ses rêves. C’est
pour lui une heure cruelle, dont il est à peu près incapable de supporter les
conséquences. J’aurais peut-être dû lui parler autrement sur la fin, mais j’étais
si profondément écœuré de ce faux optimisme perpétuel que je ne peux simplement
pas le faire. »
Puis Rommel, refusant de prendre place dans le train spécial
de Goering qui est à Rome, rejoint le Grand Quartier Général de Hitler en avion.
C’est l’après-midi du 10 mars 1943, quelque part en Russie.
« Le soir même, je suis invité à prendre le thé avec
Hitler, à qui je peux ainsi parler en particulier. Il paraît encore sous le
coup de la dépression causée par le désastre de Stalingrad. Il me dit qu’on est
toujours sujet à considérer le mauvais côté des choses après une défaite, tendance
qui peut conduire à des conclusions fausses et dangereuses.
« Il se montre complètement fermé à mes arguments, qu’il
élimine les uns après les autres, persuadé que je me suis laissé envahir par le
pessimisme.
« Je déclare pourtant, avec toute la fermeté dont je
suis capable, qu’il faut rééquiper l’armée d’Afrique en Italie et la mettre en
état de défendre nos frontières méridionales d’Europe. Je vais même jusqu’à lui
donner l’assurance – ce qui n’est pourtant pas dans mes habitudes – que
je me fais fort, avec ces troupes, de repousser toute invasion par le sud de l’Europe.
« Mes efforts répétés sont vains.
« Je reçois la consigne de prendre une permission de
convalescence et de me remettre sur pied, pour pouvoir prendre un peu plus tard
le commandement des opérations vers Casablanca… »
Ainsi donc, le Führer imagine une contre-offensive rejetant
les Anglo-Américains hors de l’Afrique du Nord.
Un tel aveuglement, une telle capacité à s’illusionner
laissent Rommel accablé.
Le lendemain, le Führer lui remet les « feuilles de
chêne avec glaives et diamants ».
Brève satisfaction !
« Mes efforts pour sauver mes hommes et les ramener sur
le continent se sont révélés inutiles.
« Je reprends l’avion pour Wiener-Neustadt d’où je me
rends à l’hôpital de Semmering. »
Il sait que « son » armée, puisqu’on refuse de l’évacuer
et qu’elle n’a plus ni armes ni munitions, sera contrainte de se rendre en mai
1943.
On sera surpris et désespéré quand on apprendra la nouvelle
au Grand Quartier Général du Führer.
Rommel avait pourtant averti le Führer. Mais le Feldmarschall
sait désormais que dans l’entourage du Führer certains « mènent une lutte
personnelle pour le pouvoir sur le dos des troupes combattantes ».
« Goering en particulier, accuse
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