1943-Le souffle de la victoire
d’étouffement. La panique d’être entassés à cent. Les cris. La folie qui
pose ses griffes sur quelques déportés, les luttes à mort pour s’approcher de l’étroite
ouverture qui permet de respirer, l’odeur d’urine et de merde.
Puis l’arrivée à Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Maidanek, Belzec.
C’est l’effroi : les chiens, les coups, les hurlements,
la sélection, le déshabillage, la « douche », les chambres à gaz. Ce
gaz Zyklon B, fabriqué par l’industrie allemande.
Les membres du Sonderkommando tirent les corps hors
de la chambre à gaz et les enfournent dans les crématoires après avoir
dépouillé les cadavres de leurs dents en or, de leurs bijoux, de tout ce qui a
pu être récupéré, fondu pour devenir lingot d’or.
Avant, on avait trié les vêtements, expédiés en Allemagne, distribués
ou vendus aux enchères.
À Hambourg, en 1942-1943, arrivent ainsi 27 227 tonnes
de « marchandises » ayant appartenu à des Juifs, soit 45 cargaisons.
Cent mille habitants de Hambourg bénéficient de ces « arrivages ».
« De simples ménagères portent soudain des manteaux de
fourrure, trafiquent avec du café et des bijoux, s’équipent de meubles et de tapis
anciens venant de Hollande ou de France. »
« Schneller, schneller, schneller, plus vite, plus
vite, plus vite », crient les kapos, les gardiens, quand les portes des
wagons sont ouvertes à l’arrivée dans les camps.
Mais schneller, schneller , schneller vaut pour
tous les moments de la mise en œuvre de la « solution finale ».
Il faut vite fondre les dentiers et les couronnes en or pour
en faire des lingots. Ils vont dans les coffres de la Reichsbank et dans ceux
des banques suisses et servent à acheter des diamants industriels nécessaires à
l’industrie de guerre allemande.
Schneller , schneller, schneller , pour se
constituer un trésor de guerre – celui des SS –, pour conquérir des
positions de pouvoir et chez certains afin de se préparer à « survivre »
si le Reich était défait.
Schneller, schneller, schneller : tuer vite, massacrer
tous les Juifs d’Europe, appliquer plus vite la « solution finale ». Faire
disparaître les Juifs, les témoins, les traces du massacre.
On retire des fosses communes ouvertes en 1941 les milliers
de corps qui y ont été jetés, tués d’une balle par les Einsatzgruppen. Les
Russes avancent. Il faut déterrer, brûler ces corps, effacer le crime des
mémoires.
Schneller, schneller, schneller : il faut que
les Alliés – Roumains, Hongrois – livrent leurs Juifs, plus vite, plus
vite.
Les 17 et 18 avril 1943, Hitler rencontre le régent de
Hongrie, Horthy, au château de Klessheim, proche de Salzbourg.
Huit cent mille Juifs vivent en Hongrie, alors que la guerre
semble ne plus pouvoir être gagnée par l’Allemagne, et Horthy hésite à les
livrer aux nazis.
Hitler s’étonne de la clémence des mesures hongroises. Horthy
devrait s’inspirer de ce qui se fait en Pologne.
« Si les Juifs ne veulent pas travailler, ils sont
abattus ; s’ils ne peuvent pas travailler, ils doivent aussi mourir. Il
faut les traiter comme les microbes de la tuberculose susceptibles d’infecter
un corps sain. »
Le Führer s’interrompt, répète :
« Des microbes de la tuberculose… »
Puis, ajoute Hitler :
« Ce n’est pas cruel si l’on considère qu’il faut tuer
même des êtres innocents comme des cerfs ou des lièvres pour éviter des dégâts.
Pourquoi épargner ces bêtes qui ont voulu nous apporter le bolchevisme ? »
Le Führer s’interrompt à nouveau :
« Les peuples qui ne se sont pas défendus contre les
Juifs ont péri », dit-il.
Mais, en dépit des exhortations de Hitler, le ministre des
Affaires étrangères hongrois – Kallay – déclare à la fin du mois de
mai 1943 :
« La Hongrie ne s’écartera jamais des préceptes de l’Humanité
qui, tout au long de son histoire, ont toujours été les siens en matière de
questions raciales et religieuses. »
Or, en ces premiers mois de 1943, en Europe, on sait quel
est le destin des Juifs qui partent « vers l’est ». Et le peuple
allemand le sait.
Des centaines d’Allemandes viennent visiter leurs maris
gardiens SS à Auschwitz.
« L’odeur de chair brûlée est portée à des kilomètres, reconnaît
le commandant du camp Höss. Tout le voisinage parle de la crémation des Juifs… »
Les
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