1943-Le souffle de la victoire
déjà la silhouette et
la démarche d’un vieil homme. Ses cheveux sont gris. Son médecin, le docteur
Morell, a diagnostiqué une affection cardiaque, et sans doute un ulcère, une
propension à l’indigestion chronique. Mais Hitler est un patient difficile qui
refuse tout régime alimentaire autre que le végétarien.
Plusieurs fois par jour, Morell lui administre des cachets
et pratique des injections.
Sans doute est-ce pour dissimuler ce vieillissement et cette
dégradation que Hitler refuse d’apparaître en public, et passe des semaines au
Berghof.
Goebbels tente de l’arracher à cet isolement.
« Je juge de la plus haute nécessité, dit-il, que le
Führer parle au peuple allemand pour expliquer la situation actuelle. »
Hitler se dérobe, ne prononçant qu’une très brève allocution,
le 21 mars 1943, parlant si vite, d’un ton monocorde, que les auditeurs se
demandent si c’est le Führer qui s’exprime ou s’il craint d’être interrompu par
une alerte aérienne !
Et il a toujours refusé de rendre visite aux habitants des
quartiers bombardés et ce, malgré l’insistance de Goebbels.
« Déjeuner avec lui, dit Albert Speer, est un supplice.
Son berger allemand est le seul être vivant au Quartier Général qui lui apporte
une diversion. »
Car Hitler ne supporte pas les mauvaises nouvelles, or elles
déferlent. Alors on lui cache cette vérité qu’il ne veut pas connaître.
Speer, qui voyage dans le train spécial du Führer, constate
que Hitler fait régulièrement baisser les stores des fenêtres donnant sur le
quai. Autrefois, il saluait la foule. Maintenant, il craint de voir des
réfugiés, des ruines, des blessés.
Angoisse, le train spécial s’est arrêté à une heure tardive
sur une voie de garage. Albert Speer témoigne :
« Nous sommes réunis avec Hitler autour d’une table
richement garnie dans le wagon-salon lambrissé de palissandre, lorsqu’un train
de marchandises s’arrête le long de notre train, sans que personne d’entre nous
y prête attention. Dans les wagons à bestiaux se trouvent des soldats allemands
qui reviennent du front de l’Est ; dans un état lamentable, blessés pour
certains, ils regardent hagards l’assemblée des convives. Hitler a un
haut-le-corps en apercevant à deux mètres de sa fenêtre ce lugubre spectacle. Sans
esquisser un salut, sans même manifester la moindre réaction, il ordonne à son
domestique de baisser les stores au plus vite. »
Lui qui a été un « soldat du front » de 1914 à
1918 ne peut supporter de voir ces hommes qui lui rappellent ses souffrances et
ses responsabilités.
Mais ce 13 mars 1943, il se rend au quartier général de
von Kluge, proche de Smolensk, parce que le « miracle du Donetz », la
perspective d’une offensive d’été lui font espérer un renversement de la
situation militaire.
Mais c’est un piège.
Parmi les officiers qui l’y attendent, certains sont
persuadés qu’il faut se débarrasser de Hitler avant que sa folie n’entraîne la
fin de l’Allemagne.
Les conjurés espèrent que, Hitler disparu, le Reich pourra
conclure une paix de compromis avec les Anglo-Américains et peut-être
débouchera-t-elle sur un retournement des alliances : tous contre le
bolchevisme.
Et ces généraux, ces colonels, qui sont souvent de fervents
chrétiens, des aristocrates qui n’ont suivi Hitler que parce que ce Führer –
dont tout les séparait – paraissait s’être mis au service de la grandeur
de l’Allemagne, craignent que les nazis ne cherchent à conclure avec Staline
une paix séparée. Ribbentrop serait en contact avec des agents soviétiques. Il
faut donc agir vite.
Les services secrets de l’armée – l’Abwehr, dirigé par
l’amiral Canaris – sont au centre de la conspiration animée par les
officiers supérieurs – les généraux Olbricht et von Tresckow.
Des liens ont été noués à Stockholm avec des banquiers
suédois, Marcus et Jakob Wallenberg.
D’autres ont été établis en Suisse avec Allen Dulles qui
dirige les services secrets américains, l’OSS.
Mais les officiers, qui voient se poser, le 13 mars
1943, l’avion du Führer sur la piste proche du quartier général de von Kluge, savent
qu’ils doivent d’abord réussir à tuer Hitler.
C’est la condition nécessaire à toute ouverture diplomatique.
« Nous sommes prêts, le moment est venu pour l’opération
Flash », dit le général
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