1943-Le souffle de la victoire
c’est
une façon de rappeler le discours de Goebbels, qui se rengorge.
Le ministre de la Propagande a le sentiment qu’il n’a jamais
été plus proche du Führer, partageant des soupers en tête à tête avec lui, l’accompagnant
dans ses promenades, osant évoquer avec lui les perspectives d’une paix séparée
avec Churchill ou Staline.
Mais le Führer le martèle : il faut se battre, écraser
l’adversaire. Et il fait confiance à Himmler.
Celui-ci, le 4 octobre 1943, a rassemblé les généraux
SS à Posen.
Ici, c’est la discipline militaire qui impose ses lois. Nuques
rasées, uniformes noirs, têtes de mort, salut bras tendu, et voix viriles qui
lancent leurs « Heil Hitler ».
Himmler prend la parole. La voix est sourde, le ton grave.
« Les Juifs, dit-il, sont la menace la plus dangereuse
pour le Reich. »
Mais cette guerre-là est souterraine, inexpiable et
inexprimable.
« L’élimination des Juifs est une page glorieuse de
notre histoire qui n’a jamais été écrite et ne doit jamais l’être. »
Mais il veut, pour les officiers supérieurs SS, rompre le
silence.
Deux jours plus tard, devant les chefs régionaux du Parti, et
en présence de Joseph Goebbels et Albert Speer, Himmler prend à nouveau la parole.
« Il faut tuer les Juifs, dit-il, et pas seulement les
hommes.
« On nous a posé la question : et les femmes et
les enfants ?
« J’ai décidé de trouver une solution absolument claire
sur ce point aussi. Je ne me suis pas senti le droit d’exterminer – disons
de tuer et de faire tuer – les hommes tout en laissant leurs vengeurs, sous
la forme de leurs enfants, grandir et les venger sur nos fils et nos
petits-fils.
« Il fallait prendre la décision réellement difficile
de faire disparaître ce peuple de la surface de la Terre.
« Pour l’organisation qui devait accomplir la tâche, ce
fut la plus difficile que nous avions eue jusque-là. »
Le 9 octobre, Goebbels note dans son Journal que
Himmler « brosse un exposé franc et sans fard. Il est convaincu que nous
pouvons résoudre la question juive à travers l’Europe d’ici la fin de la guerre ».
« Il propose la solution la plus dure et la plus
extrême : exterminer les Juifs radicalement. C’est assurément une solution
logique même si elle est brutale. Nous devons prendre sur nous de résoudre
complètement ce problème à notre époque. Les générations ultérieures ne
traiteront certainement pas ce problème avec l’ardeur et le courage qui sont
les nôtres. »
« Ardeur » et « courage » !
La vérité de ces mots, ce sont les cris des victimes de ces
meurtres de masse, ce sont les chambres à gaz des camps d’extermination, ce
sont les « tueurs d’âmes », ces wagons, ces camions où l’on gaze
aussi.
Mais c’est encore la corruption généralisée.
Himmler menace de mort tous ceux qui utiliseraient l’extermination
à leur profit : « Même une fourrure, même une montre, même un mark ou
une cigarette volés entraîneront la mort. »
Mais la corruption est au cœur du massacre de masse. Le
commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, doit être démis de ses fonctions pour n’avoir
pas su éviter la corruption dans le camp… Il est transféré à un poste… plus
élevé à Berlin…
C’est toute la société allemande qui est infestée par le
meurtre de masse. On n’ignore pas l’extermination, mais on ne la condamne pas, on
s’efforce de l’oublier, de la refouler.
Les gestes de solidarité sont rares, et parfois le Juif qui
porte l’étoile jaune se fait insulter, interpeller :
« Pourquoi t’es encore en vie, espèce de salopard ? »
En août 1943, Conrad, comte Preysing, évêque catholique de
Berlin, rédige une pétition aux autorités. Il condamne l’« évacuation des
Juifs », sans mentionner leur extermination. Il demande seulement que les
droits humains des déportés soient respectés.
Mais les évêques refusent de signer, préférant une lettre
pastorale qui rappelle qu’il faut respecter le droit à la vie des personnes d’autres
races.
Alors l’évêque de Berlin s’adresse au nonce apostolique, qui
répond :
« La charité est belle et bonne, mais la plus grande
charité consiste à ne pas susciter de problèmes à l’Église. »
Mais le souverain pontife – qui a publié de nombreuses
condamnations vigoureuses du programme d’euthanasie dans des lettres
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