1943-Le souffle de la victoire
banderoles :
« Hourra pour les vaillantes troupes anglo-américaines
en Italie ! », « Hourra pour la victoire de l’alliance anglo-soviéto-américaine ! »,
« Salut aux vaillants aviateurs britanniques et américains qui frappent
les centres vitaux de l’Allemagne ».
La foule joyeuse scande ces slogans lors du défilé du « peuple »
sur la place Rouge.
Le Komintern a été dissous. L’Internationale n’est
plus l’hymne soviétique.
La « Sainte Russie » reparaît derrière le masque
soviétique.
Staline prolonge le sillon de l’histoire russe, et en même
temps il rassure Roosevelt et Churchill. Le mot « capitalisme » a
disparu. On rassure et c’est d’autant plus nécessaire que l’armée Rouge avance
vers l’ouest, vers la Pologne et, au-delà, l’Allemagne.
Du nord au sud, le long de cette ligne de front qui va de
Leningrad à la Crimée, les villes russes sont libérées.
Des milliers de soldats allemands sont capturés, comme s’ils
étaient, après tant d’années de combats, à bout de forces. L’Oberleutnant de
panzers, Frankenfeld, interrogé par les Russes, confie, la voix lasse, le
désespoir voilant son regard : « Aujourd’hui, quelque peine que cela
me cause, je suis absolument convaincu de la défaite inévitable de l’Allemagne.
On peut seulement se demander : quand ? Dans deux mois ou dans six ?
Et où ? À l’Est ou à l’Ouest ? »
Staline a longtemps martelé qu’il attendait l’ouverture d’un
second front à l’Ouest précisément. Débarquer en Sicile, à Anzio, au bout de la
botte, ne le satisfaisait pas. Et il harcelait Churchill et Roosevelt.
Mais l’armée Rouge a libéré la Crimée, puis le Donbass. Les
Allemands sont chassés de Smolensk. Les Russes avancent vers Kiev, Vitebsk, Gomel,
Mohilev.
L’Ukraine, la Biélorussie sont atteintes.
En octobre, le Dniepr est forcé.
Le 8 octobre, les journaux russes publient un poème qui
exalte ces victoires :
La Russie
vengeresse avance.
Ukraine et
Biélorussie attendez, espérez !
Les Allemands
ne vous tortureront plus longtemps
Les jours
funestes de votre esclavage sont comptés
Depuis les
hautes rives du Dniepr
Nous voyons
les eaux du Prouth et du Niemen.
Dans chaque ville et village libéré, les soldats russes
découvrent des charniers.
Les corps sont là, à peine enfouis ou encore pendus aux
arbres, preuves de la barbarie nazie.
À Krasnodar, on juge les bourreaux allemands et leurs
complices russes : 7 000 Juifs ont été assassinés, poussés dans
les « wagons à gaz » que les Russes appellent « tueurs d’âmes ».
La presse rapporte les témoignages, les enfants hurlant, sanglotant,
implorant, refusant d’entrer dans ce Moloch, où ils savent qu’ils vont mourir
asphyxiés.
Cette « technique » d’assassinat, le nombre des
victimes paraissent si barbares que certains imaginent que la « propagande »
exagère le caractère atroce de ces meurtres.
Aucune voix ne vient hurler qu’à Auschwitz, à Treblinka, c’est
par centaines de milliers qu’on assassine.
Mais la Russie qui avance en ce mois d’octobre 1943 est bien
« vengeresse » mais aussi consciente de sa force.
Une rencontre entre les Trois Grands – Staline, Churchill,
Roosevelt – est prévue pour la fin de l’année à Téhéran, et, afin de la
préparer, les ministres des Affaires étrangères, Cordell Hull représentant les
États-Unis, Eden la Grande-Bretagne, se réunissent à Moscou autour de Molotov. L’atmosphère
est euphorique. Moscou ne craint plus aucune attaque.
Un diplomate russe confie au correspondant du Sunday
Times , Alexander Werth :
« Ça va si bien sur notre front qu’il vaudrait
peut-être mieux qu’il n’y ait pas de second front avant le printemps prochain. »
Propos cyniques qui dévoilent l’ambition russe, leur crainte
de voir les Allemands se « livrer » aux Anglo-Américains.
Le diplomate ajoute :
« On serait Gros-Jean comme devant ! Il vaut
beaucoup mieux que les Allemands soient bombardés un hiver de plus et que leur
armée se gèle encore un hiver en Russie ; que l’armée Rouge aille tout
droit en Allemagne, et qu’il y ait ensuite un second front ! »
La conférence dure douze jours, les banquets succèdent aux
banquets. Staline est de bonne humeur. Il réclame le lancement de l’opération Overlord, mais en dépit de l’absence de ce second front, il félicite
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