1943-Le souffle de la victoire
les
Anglo-Américains.
Les bombardements de l’Allemagne, la chute du « chacal
aux dents pourries » le satisfont.
Il frappe du poing sur la table !
« Plus vous taperez dur sur ces svolochi , mieux
ce sera », lance-t-il.
Les diplomates sont conviés à assister à une représentation
du Lac des cygnes au théâtre Bolchoï. L’atmosphère est détendue. On
commente la signature d’un accord entre les quatre puissances – les Trois
Grands plus la Chine – qui affirment leur volonté d’obtenir la
capitulation inconditionnelle des ennemis « respectifs » des Alliés.
Les Russes se sentent donc assez forts pour commencer à s’engager
contre le Japon.
Et Cordell Hull déclare :
« Staline est un homme remarquable dont la compétence
et le jugement sont rares et qui saisit merveilleusement l’aspect pratique des
choses. »
Les 6 et 7 novembre, pour l’anniversaire de la
Révolution, la conférence se termine dans l’allégresse.
On tire de gigantesques feux d’artifice en l’honneur de la
libération de Kiev.
Staline célèbre 1943, « année du grand tournant ».
Et le soir du 7 novembre, Molotov donne la plus grande
réception qu’on ait jamais vue à Moscou depuis la guerre. Les buffets sont
somptueux. Le vin, les alcools coulent à flots. On lève son verre à l’occasion
d’innombrables toasts. Et tombent, l’un après l’autre, les diplomates qui ne
résistent pas à l’alcool.
Molotov, lui, ne s’effondre pas.
Alexandre Werth, invité, décrit cette soirée exceptionnelle :
« La réception brille de joyaux, de fourrures, de
galons et de célébrités… Chostakovitch dans son habit de soirée a l’air d’un
collégien qu’on sort pour la première fois… Molotov a quelque chose d’un grand
boyard de Moscovie quand il contemple, épanoui, les ambassadeurs en tenue de
gala qui s’effondrent la tête la première et sont emportés par des serviteurs
russes dont la mine navrée cache mal les gloussements de plaisir… »
30.
Staline n’a pas assisté à la soirée donnée au Kremlin le 7 novembre
1943 par Molotov.
Mais les agents du NKVD, aussi nombreux que les invités, lui
ont remis des rapports sur les comportements, les propos des diplomates, des
généraux, des artistes, qui, en costume d’apparat, s’abandonnaient à l’ivresse,
oubliant leur prudence.
« On dirait des petits garçons sautant de joie dans
leurs déguisements de pompiers qu’ils venaient de trouver sous l’arbre de Noël »,
dit Kathleen, la fille du diplomate américain Averell Harriman.
Un autre diplomate américain, Chip Bohlen, ignorant lui
aussi qu’il se confie à un agent du NKVD, déclare :
« C’est une soirée folle et extravagante, un peu comme
les nuits de Moscou avant la Révolution. Regardez Molotov, son uniforme noir
festonné d’or avec un petit poignard à la ceinture ressemble à celui des SS de
la garde personnelle de Hitler. »
L’ambassadeur britannique Clark Kerr s’écroule, ivre mort, sur
la table couverte de verres et de bouteilles et s’entaille le visage.
Staline a interrogé lui-même des agents du NKVD sur ces « hautes
personnalités » qui se sont retirées dans le grand salon Rouge où les
attendent des prostituées. Mikoïan en prend deux sur ses genoux !
Staline a eu une moue de mépris.
Il tient le destin de ces hommes-là serré dans son poing. Et
qu’ils fussent généraux, maréchaux, membres éminents du Parti, tous savent que
leur vie peut être brisée sur un simple battement de paupières de Staline.
Il les méprise pour leur servilité.
Staline s’est rendu avec certains d’entre eux sur le front, à
quelques kilomètres des premières lignes.
Il a visité un hôpital et il a fui ce spectacle effrayant.
Sur le chemin du retour, il a été saisi de coliques. Le
cortège des voitures s’est arrêté. Tous ces généraux, ces maréchaux sont
descendus. Staline les a interrogés : « Où pouvait-il chier ? Ces
fourrés, est-on sûr qu’ils ne soient pas minés ? »
Personne n’a répondu.
Et Staline s’est déculotté devant eux, au milieu de la route,
accroupi sous les regards de ces dignitaires.
C’est comme s’il leur avait dit : « Vous n’êtes
rien, de la merde. »
Il se souvient de l’attroupement de ce groupe d’hommes en
uniforme, la poitrine constellée de médailles, et lui qui remontait sa culotte.
Il s’est rencogné dans sa voiture
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