1943-Le souffle de la victoire
ses maréchaux et généraux l’appliquent
méthodiquement, comme si l’Union soviétique était un réservoir inépuisable de « matériel
humain ».
Ils font preuve d’une démesure jamais reniée, comme s’il
fallait submerger les lignes allemandes sous des vagues de corps se dressant
tout à coup, aux cris de Hourra , et renouvelées jusqu’à ce que l’ennemi
cède, noyé sous le sang de ces hommes de moins de vingt ans, venus de Sibérie, d’Asie
centrale soviétique, et naturellement de Russie.
On a ainsi défendu Stalingrad, repoussé l’Allemand, encerclé
la VI e armée de Paulus.
On a remporté la bataille de Koursk, lancé des offensives
qui ont libéré l’Ukraine, franchi le Dniepr.
Mais là où les Allemands ont perdu 170 000 hommes,
les Russes ont eu des pertes dix fois supérieures : 1 677 000 morts,
blessés ou disparus !
La vodka ne suffit pas pour expliquer cette course à la mort
à laquelle sont voués tant de soldats soviétiques.
Il y a le patriotisme, le désir de vengeance avivé par la
découverte des massacres et des destructions accomplis par les Allemands.
Il y a les bataillons de la NKVD qui se tiennent derrière
les vagues d’assaut et fusillent sans jugement les soldats qui hésitent, refluent,
se mettent à l’abri dans un trou d’obus, derrière un pan de mur.
C’est par dizaines de milliers que se comptent les « exécutés » ;
20 000, estime-t-on, pour la seule bataille de Stalingrad.
Les Allemands, quand ils fusillent leurs soldats, évoquent
la nécessité de maintenir la « discipline virile ».
Les commissaires soviétiques de l’armée Rouge invoquent la « discipline
bolchevique ».
Les combats – offensifs ou défensifs – atteignent
aussi une violence extrême, une sauvagerie infernale.
Un soldat allemand décrit le champ de bataille après les
combats du saillant de Koursk :
« Chaque arbre, chaque buisson a été déchiqueté, un
terrain entièrement recouvert d’épaves, de pièces d’artillerie, de chars
totalement brûlés, d’avions abattus… Des images de fin du monde qui risquaient
fort de désespérer les hommes qui les avaient vues, sauf s’ils avaient des
nerfs d’acier. »
Les Russes ont une telle supériorité en hommes et en armes, une
telle volonté d’appliquer le « point de vue du boucher » qu’ils
percent les lignes allemandes, ce mince rideau d’hommes.
Les colonnes de T34 sont ensuite libres de « naviguer »
sur les arrières des unités allemandes qui, séparées les unes des autres, continuent
de résister ou cherchent à se replier.
Léon Degrelle, qui est à la tête de la brigade SS Wallonie, essaie
ainsi d’échapper à l’encerclement.
« Dans cet affreux combat, écrit-il, les véhicules
étaient renversés, projetant à terre, pêle-mêle, des blessés. Une vague de
chars soviétiques s’abattit sur les premières voitures et s’en prit à plus de
la moitié du convoi ; elle avançait au milieu des fourgons, les détruisant
sous nos yeux, un par un, comme des boîtes d’allumettes, écrasant les hommes
blessés, les chevaux… Nous n’eûmes un moment de répit que lorsque la colonne de
chars finit par se trouver embouteillée et en difficulté pour arriver à s’extraire
de l’enchevêtrement de centaines de voitures plus ou moins écrasées sous leurs
chenilles. »
Les SS wallons réussissent, sous le feu des chars et des
canons russes, à rouler durant une dizaine de kilomètres jusqu’à une rivière de
huit mètres de large et deux mètres de profondeur.
« […] Les attelages d’artillerie qui avaient échappé à
la destruction plongèrent les premiers dans le courant, au milieu des glaçons
flottants. L’autre rive était trop escarpée pour les chevaux, qui ne purent
faire demi-tour et se noyèrent. Les hommes se jetèrent à l’eau et traversèrent
la rivière en nageant. Mais à peine avaient-ils pris pied de l’autre côté qu’ils
se transformaient en blocs de glace, leur uniforme gelé sur leur corps. Quelques-uns
tombèrent morts. La plupart préférèrent se débarrasser de leurs vêtements ;
ils essayèrent de les jeter sur l’autre rive ; mais sans pouvoir toujours
y arriver, et le courant entraînait effets et équipements. Bientôt des
centaines de soldats, complètement nus et rouges comme des homards, se
pressaient sur l’autre rive. Beaucoup d’hommes ne savaient pas nager. Affolés
par l’approche des
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