1944-1945-Le triomphe de la liberte
Rome ou dans les villages de la plaine du
Pô, des Italiens embarqués de force dans des camions.
Ces mots, ce sont aussi des milliers d’hommes qui gagnent la
montagne pour éviter les départs pour l’Allemagne.
Le mouvement partisan va puiser là le gros de ses troupes.
Plus de 100 000 hommes tiennent au début de l’été 1944 les Alpes et
les Apennins. Mais poussés vers la lutte par la nécessité, ces hommes mûrissent
vite, ils se politisent et découvrent auprès de vieux antifascistes l’envers,
qu’ils ignoraient, de l’ère fasciste.
Revelli, ancien membre des organisations fascistes, officier
sur le front russe, écoute, sur les sommets des Alpes, Livio, un politique aux
idées nettes :
« Quand il me parle des Italiens qui, dès 1936, en
Espagne ont combattu contre Franco, de l’antifascisme militant, il me
transporte dans un monde que j’ignorais, écrit Revelli, ou un monde que je
connaissais mal. Mais le monde de mon fascisme, de ma guerre en Russie, était
en grande partie inconnu de Livio. »
C’est ainsi, à travers les hommes et par la Résistance, que
se reconstitue une Italie de bonne foi. L’écrivain Carlo Levi, un ancien confinato –
assigné à résidence dans le sud de l’Italie –, peut écrire :
Nous avons vécu ensemble,
Ensemble devenant des hommes.
Dans le monde divisé
Unis étaient nos cœurs.
Nous nous sommes reconnus,
Un peuple neuf …
Naissait avec des noms nouveaux,
C’était la Résistance.
Le soir, autour des feux de camp dans les hautes vallées,
cependant que près des baite (granges), quelques hommes montent la
garde, les chansons s’élèvent, chœurs spontanément harmonieux que ces anciens
des divisions d ’Alpini, ces montagnards et ces bûcherons reprennent,
mêlant la mélancolie à la violence :
Là-haut sur la montagne, Drapeau noir,
Un partisan est mort en faisant la guerre,
Un Italien de plus s’en va sous la terre.
Il y trouve un Alpino mort en Russie.
Allemands et fascistes, hors d’Italie !
Morte est la pitié, morte est la pitié.
6.
« Partisan » : ce mot que chantent les
résistants italiens, on l’entend aussi, en ces premiers mois de 1944 en France,
dans les maquis d’Auvergne, de Dordogne, de l’Ain, sur le plateau des Glières,
dans le massif du Vercors.
Les jeunes gens qui fuient le Service du Travail Obligatoire
entonnent ce Chant des partisans , écrit par Maurice Druon et Joseph
Kessel à Londres.
Ils sont tous deux d’origine russe et le mot évoque la
« guerre » des partisans en Russie.
Ami, entends-tu
Le vol noir des corbeaux
Sur nos plaines ?
Ami, entends-tu
Les cris sourds du pays
Qu’on enchaîne ?
Ohé ! partisans […]
À la balle ou au couteau
Tuez vite.
« Morte est la pitié », comme disent les partisans
italiens. Car l’occupation allemande se fait de plus en plus lourde. Le
Gauleiter Sauckel, chargé du recrutement de la main-d’œuvre dans les pays
soumis, exige de la France 2 millions d’hommes, dont 300 000 doivent
être transférés immédiatement dans ces premières semaines de janvier 1944. Il
faut s’y opposer :
Montez de la mine,
Descendez des collines,
Camarades !
Mais les maquis sont en difficulté.
Un rapport de la Résistance souligne la
« lassitude » des maquisards.
« Les chefs manquent – conséquence de la trahison
des officiers. Les armes manquent. On constate le relâchement de la discipline,
l’accroissement des coups de main inutiles, la dislocation de nombreux
camps. »
Tom Morel – officier de chasseurs alpins – sent
l’étreinte des Allemands se resserrer autour du plateau des Glières.
Les miliciens de Darnand, les GMR (Groupes Mobiles de
Réserve), les gendarmes sont aux côtés des troupes allemandes.
Tom Morel est résolu à se battre.
« L’heure est venue en effet d’agir, écrit-il dès le
4 janvier 1944. Les événements se précipitent. Nous avons donc à passer
encore de dures journées ; mais cela prouve que l’aurore s’éclaire et que
le fameux jour ne va pas tarder à arriver. »
Deux semaines plus tard, lors de l’attaque d’une voiture
allemande, Morel se trouve avec son pistolet enrayé en face d’un SS armé. Il
bondit, roule sur le sol avec son adversaire, essaie de le désarmer, un
maquisard se précipite, tue le SS à bout portant.
Une colonne blindée allemande, attaquée à son tour, réussit
à progresser, à tuer trente
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