1944-1945-Le triomphe de la liberte
la
proposition de rejoindre une unité de la France Combattante !
C’est le temps des troubles. Les hommes qui ont choisi la
collaboration, parfois par l’effet d’un patriotisme dévoyé, aveuglés qu’ils
étaient par la haine des Juifs et des communistes, tentent de retirer leurs
mises en rejoignant ceux qu’ils ont dénoncés, pourchassés, torturés, tués.
Pierre Pucheu, devant ses juges, dit :
« Celui-là qui porte aujourd’hui l’espérance suprême de
la France, ce général de Gaulle, si ma vie peut lui servir dans la mission
qu’il accomplit, qu’il prenne ma vie, je la lui donne. »
« Si je l’avais gracié, commente de Gaulle, les
criminels de cette nature prendraient tous le chemin d’Alger. Nos prisons se
rempliraient et leurs locataires attendraient paisiblement la fin de la guerre
et l’oubli ! »
Il faut juger les hommes non à leurs intentions mais à leurs
actes, pense de Gaulle.
« Quoi qu’ils aient cru, quoi qu’ils aient voulu,
dit-il, il ne saurait, aux uns et aux autres, être rendu que suivant leurs
œuvres. Mais ensuite ? Ensuite ? Ah ! que Dieu juge toutes les
âmes ! Que la France enterre tous les corps ! »
Il faut se souvenir d’abord des martyrs de la Résistance, un
Jean Moulin, un Brossolette, ceux des Glières, le lieutenant Tom Morel et le
capitaine Anjot, et tant d’autres tels le philosophe Jean Cavaillès,
l’historien Marc Bloch et ceux qui – comme la nièce de Charles de Gaulle,
Geneviève de Gaulle – survivent peut-être encore dans les « camps de
la mort ».
De Gaulle monte à la tribune de l’Assemblée consultative à
Alger et, d’une voix émue, il dit :
« La Résistance française, dans la nuit de son cachot,
dans les ténèbres de la clandestinité, peut dire ce que disait le martyr devant
le tyran : “Ma nuit n’a pas d’ombre.” »
Mais il y a tous ceux qui n’ont pas choisi l’engagement, qui
ont vécu au jour le jour, emprisonnés par les contraintes de la vie
quotidienne : se nourrir, protéger les siens. Ceux-là ont cru longtemps à
tous les mensonges. Beaucoup y croient encore.
« On ne gouvernera jamais qu’avec les Français »,
dit de Gaulle à Georges Boris, l’un de ses premiers compagnons.
Il hésite, puis il ajoute :
« Ils ont été pétainistes. »
Les badauds, à Vichy, applaudissent le dimanche le maréchal
Pétain quand il assiste à la relève de la garde, sur le seuil de l’hôtel du
Parc, puis au lever des couleurs.
Des jeunes filles s’avancent, lui offrent de jolis
bouquets – exprimant de façon touchante la vénération de la population
« tout entière », peut-on lire dans les journaux.
Un autre article décrit avec des accents martiaux la parade
militaire de la garde du Maréchal : « … venaient en tête les
motocyclistes, leurs mitrailleuses pointées, le chef debout dans le
side-car… »
Images factices, scènes d’opérette : la France est
bombardée chaque jour. Le peuple a faim. La mort rôde. Et Pétain joue son rôle
avec de brefs instants d’agacement, de mauvaise humeur qui ne vont jamais
jusqu’à la résistance déterminée aux Allemands.
« J’en ai assez de cette vie, confie-t-il. Il me
faudrait une semaine de calme. Je ne pourrai durer indéfiniment. Je suis en
prison, je ne peux pas réfléchir. Je ne comprends plus ce que je lis. Ce n’est
pas une vie. »
Il est vrai que l’hôtel du Parc est une forteresse. Chaque
soir, des gardes armés vérifient et ferment toutes les issues. Les Allemands
redoutent que les maquisards n’enlèvent Pétain. Ils ne savent pas que Pétain a
refusé de fuir Vichy.
Ils ignorent aussi – comme Laval et les
ministres – que Pétain veut gagner Paris pour assister à la messe que le
cardinal Suhard célébrera en souvenir des nombreuses victimes des bombardements
alliés.
Une foule de plusieurs milliers de personnes s’est
rassemblée le 26 avril sur la place de l’Hôtel-de-Ville où se rend Pétain
après la messe à Notre-Dame.
Ovations. Émotion. Pétain improvise un bref discours. La
foule est saisie par cette voix tremblante et fragile qui touche en ces temps
de violence. Et la faiblesse de Pétain garantit sa sincérité.
« Mesdames, messieurs, commence Pétain.
« Je viens vous faire une visite. Je ne peux pas
m’adresser à chacun de vous en particulier, c’est impossible, vous êtes trop
nombreux, mais je ne voulais pas passer à
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