1944-1945-Le triomphe de la liberte
Paris sans venir vous saluer, sans
venir me rappeler à votre bon souvenir.
« Je suis venu ici pour vous soulager de tous les maux
qui planent sur Paris, j’en suis encore très attristé.
« Mais c’est une première visite que je vous fais…
J’espère bien que je pourrai venir facilement à Paris sans être obligé de
prévenir mes gardiens. Je viendrai tout à l’aise… Je pense beaucoup à vous…
Soyez sûrs que dès que je pourrai, je viendrai et alors ce sera une visite
officielle. Alors, à bientôt j’espère… »
Une hésitante et timide Marseillaise s’élève quelques
instants puis retombe.
Les Allemands fabriquent la version « officielle »
de ce discours. Ils y ont glissé le nom de Pierre Laval.
Et ils tirent la leçon de ce voyage, qui a permis à Pétain,
en quelques mots, de se présenter en « prisonnier », de réorganiser
son espace politique. Ils veulent isoler le Maréchal de ses conseillers, et le
dimanche 7 mai 1944, un long cortège de 19 voitures – 12
chargées de policiers allemands – le conduit au château de Voisins, en
Île-de-France.
Désormais, il n’est plus maître du choix de sa résidence.
Il négocie avec les Allemands le texte d’un communiqué qui
marquera son opposition à ce déplacement.
« Le motif invoqué est la sûreté de sa personne… Devant
l’exigence qui lui est présentée et en raison des circonstances, le Maréchal se
rendra cependant dans les environs de Paris. Mais le siège du gouvernement
reste toujours à Vichy où le Maréchal reviendra dès que les circonstances qui
motivent son éloignement auront cessé d’exister. »
Ce même dimanche 7 mai, à Tunis, devant une foule
immense, de Gaulle déclare :
« Nous savons où est la France. Nous savons qu’elle est
dans un peuple ouvertement ou secrètement dressé contre l’envahisseur. À ceux
qui n’auraient pas les mêmes certitudes… nous leur proposons de venir demain
avec nous aux rendez-vous du peuple de France… dans n’importe lesquels de nos
villes et de nos villages une fois délivrés ou enfin quelque part entre l’arc
de triomphe de l’Étoile et Notre-Dame de Paris. »
11.
De Gaulle a plusieurs fois imaginé depuis les mois noirs de
mai et de juin 1940 ce jour où, mêlé au peuple de Paris, il descendrait les
Champs-Élysées.
Les vers d’Edmond Rostand, lus, appris durant son
adolescence, lui viennent encore en mémoire :
Je ne veux que
voir la victoire !
Ne me demandez
pas : « Après ? »
Après, je veux
bien la nuit noire
Et le sommeil
sous les cyprès !
Il les murmure en ce mois de mai 1944, alors qu’il inspecte
les troupes françaises déployées sur le front italien, le long du Garigliano.
Elles sont commandées par les généraux Montsabert et Juin.
Ce dernier, que de Gaulle a connu à Saint-Cyr, s’est longtemps, trop longtemps,
rangé derrière le maréchal Pétain et l’amiral Darlan.
Mais aujourd’hui Juin mène ses troupes à l’assaut des
défenses allemandes et s’il les perce la route de Rome est ouverte.
Dans une guerre, la légitimité d’une nation se conquiert par
sa participation aux combats.
C’est pourquoi de Gaulle a voulu qu’il y ait des troupes
françaises sur chaque champ de bataille.
De Gaulle a fait Compagnon de la Libération le régiment de
chasse aérien Normandie qui, doté d’une cinquantaine d’appareils, livre
bataille dans le ciel de Russie, dans la région d’Orel, du Niémen.
Cette escadrille Normandie-Niémen s’est distinguée
par le courage de ses pilotes, Pouliquen, Tulasne, Armand, sur ce terrible
front de l’Est, où s’est jouée en 1942-1943 la guerre.
Et dans l’attente du second front, c’est encore en Russie
que les combats décisifs ont lieu.
Hitler, même s’il déclare que dès le Débarquement
allié – l’« invasion », disent les Allemands –, le front de
l’Ouest sera déterminant, sait bien que l’armée Rouge est le péril majeur.
Toutes les nations de l’Europe centrale, Roumanie, Hongrie,
Yougoslavie, un temps alliées, cherchent, devant les victoires russes, à se
dégager de l’Alliance allemande.
La Roumanie l’a déjà fait : les divisions roumaines ont
déserté et se sont rangées du côté russe.
Les peuples de Yougoslavie se sont divisés. Les Serbes
combattent la Wehrmacht, et les Croates les Serbes. Là, dans ces Balkans, se
livrent des luttes sauvages. Les musulmans ont constitué des
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