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1944-1945-Le triomphe de la liberte

1944-1945-Le triomphe de la liberte

Titel: 1944-1945-Le triomphe de la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Londres, mal réglé, a changé
de trajectoire et vient de s’abattre au-dessus du blockhaus. Personne n’est
blessé.
    Mais Hitler quitte aussitôt Margival et, oubliant qu’il a
promis à ses maréchaux de rendre visite au QG du groupe d’armées B, il
regagne Berchtesgaden.

 
20.
    Hitler, alors que sa voiture roule entre les forêts de
l’Obersalzberg, se souvient-il qu’il y a quatre ans, presque jour pour jour, il
s’apprêtait à visiter Paris, réalisant ainsi l’un de ses rêves ?
    Ses soldats étaient entrés dans la capitale prétentieuse et
vaniteuse. Elle avait été déclarée ville ouverte. C’était le 14 juin 1940.
     
    De ce jour d’humiliation, presque de honte, et d’une
tristesse amère, de Gaulle se souvient.
     
    Ce 14 juin 1944, il est debout sur la passerelle de la
frégate des Forces Navales Françaises Libres, La Combattante.
    L’aube est grise, la mer mauvaise.
    Il approche de la côte française. Il va fouler le sol de la
patrie pour la première fois depuis quatre ans.
    Il enfonce ses mains dans la longue capote kaki boutonnée
jusqu’au cou.
    Il voudrait que la joie le soulève, mais il se sent
enveloppé par une chape lourde comme ce manteau.
    Il est grave. Il s’étonne d’être soucieux.
     
    Ce peuple qu’il va découvrir, qu’est-ce qu’il est
devenu ? Correspond-il à celui qu’il a si souvent invoqué, exalté durant
quatre ans ?
    Et ce peuple qu’il a vu encore il y a peu, lors de la
projection d’un film, se rassembler autour de Pétain de passage à Paris,
reconnaîtra-t-il de Gaulle ?
    Et puis, il y a l’avenir du pays. La guerre qui continue.
Les communistes qui contrôlent une grande part de la Résistance. Les Alliés
qu’il va falloir placer devant le fait accompli.
    Il se tourne, cherche des yeux François Coulet qu’il a nommé
commissaire de la République de la zone libérée. Le colonel de Chevigné, lui
aussi Français Libre de 1940, doit commander la subdivision militaire.
    Il faut imposer ces deux hommes dès aujourd’hui pour
qu’ensuite des nominations de ce type se généralisent dans chaque région
libérée et que l’AMGOT tombe en poussière.
    Tant d’autres problèmes !
     
    Il fume cependant que le navire roule et tangue. Le
commandant Patou, qui commande La Combattante , s’approche.
    « Patou, je ne céderai pas », dit de Gaulle à
mi-voix.
    Il dévisage Patou, qui est interloqué.
    « Sur l’affaire des billets de banque émis par les
Américains, poursuit-il. C’est de la fausse monnaie. »
    L’amiral d’Argenlieu, Palewski, Béthouart, Boislambert et
Viénot montent à leur tour sur la passerelle. La côte, mince liseré, apparaît.
    « Vous rendez-vous compte, mon général, qu’il y a
quatre ans jour pour jour, les Allemands entraient dans Paris ? dit
Viénot.
    — Eh bien, ils ont eu tort ! » répond de Gaulle
sèchement.
     
    Les mots ne viennent pas. La poitrine est serrée. La joie
écrasée sous l’émotion.
    Et pourtant, la plage de Grave, à l’ouest de la Seulles, sur
laquelle vient de s’arrêter la vedette amphibie qui l’a conduit depuis La
Combattante , c’est le sol de France.
    Il allume une cigarette, mais reste silencieux, entouré par
ses compagnons et des officiers écossais et canadiens qui viennent de
débarquer.
    Il aperçoit Boislambert qui le photographie. Il se souvient
de Dakar, en septembre 1940, de cette nuit d’abîme après l’échec, les tirs de
Français sur des Français. D’Argenlieu avait été blessé là-bas. Il est là, et
c’est bien.
     
    De Gaulle monte dans une jeep.
    On se dirige vers le quartier général de Montgomery. Des
Français enfin, sur la route encombrée de véhicules militaires. Des femmes en
noir.
    Un curé qui crie : « Mon général, j’ai entendu
votre appel… » Il vient de voir passer la jeep. Il l’a suivie avec sa
voiture à cheval. Il veut serrer la main du général de Gaulle.
    « Monsieur le curé, je vous embrasse », dit de
Gaulle.
    Dans sa poitrine, quelque chose cède qui libère les mots, la
joie.
    Il interpelle deux gendarmes, effarés, les charge de se
rendre à Bayeux, annoncer son arrivée. Il les regarde s’éloigner sur leurs
bicyclettes.
    La route, à l’exception de ces deux silhouettes noires, est
déserte. La campagne verdoyante, tranquille sous le ciel voilé. La France
paraît si paisible, comme si elle avait ignoré la guerre.
     
    Ce n’est que l’impression d’un instant, puisque voici

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