1944-1945-Le triomphe de la liberte
Château.
Elle entend pour la première fois depuis quatre affreuses
années un chef français dire devant elle « que l’ennemi est l’ennemi, que
le devoir est de le combattre, que la France elle aussi remportera la
victoire ».
Le Comité d’Action Militaire lance un mot d’ordre simple
comme un cri :
« Mort à l’envahisseur !
Vive la France ! »
Aux côtés des Allemands, il y a les tueurs de la Milice.
Trois d’entre eux se présentent le 20 juin à la prison
de Riom et ordonnent qu’on leur livre le détenu Jean Zay, sous prétexte de le
transférer à Melun.
Cet avocat de 40 ans est l’une des figures emblématiques
du Front Populaire. Il a été ministre de l’Éducation nationale de Léon Blum.
Radical-socialiste, il est resté au gouvernement jusqu’en 1939. Il a été
hostile à l’armistice. Il est juif. Les miliciens vont l’abattre.
Le 28 juin, ce sont des FFI, membres des Groupes Francs
du Mouvement de Libération Nationale, qui exécutent Philippe Henriot, l’un des
ultras de la collaboration. Ses éditoriaux quotidiens sur Radio-Paris sont des appels au meurtre de résistants, « ces assassins de l’Armée du
crime ».
En représailles, les Miliciens tuent à Lyon, Grenoble,
Mâcon, Voiron, Clermont-Ferrand, Toulouse des personnalités soupçonnées d’avoir
des sympathies pour la Résistance.
Le gouvernement Laval organise pour Philippe Henriot des
obsèques nationales et des cérémonies ont lieu dans toute la France.
Uniformes de la Milice et de l’occupant se côtoient dans la
nef des cathédrales. Le cardinal Suhard donne l’absoute à Notre-Dame, Mgr
Feltin à la cathédrale de Bordeaux.
Un seul évêque refuse de participer à cet hommage. Mais cet
évêque de Limoges, Mgr Rastouil, est placé en résidence forcée. Le nonce
apostolique intervenant auprès de Laval obtiendra qu’il soit autorisé à
regagner son diocèse.
Dans toute la France, les nombreux jeunes chrétiens qui
rejoignent les maquis et sont témoins des massacres commis par les SS et les
miliciens ne comprennent pas l’attitude de leurs évêques.
Ils savent, ces maquisards, qu’on ne leur laissera pas le
temps de se confesser, et même de prier quand les SS et les miliciens les
aligneront contre un mur pour les abattre.
C’est le cas en Auvergne lors des combats qui opposent les
résistants du maquis du mont Mouchet aux SS de la division Das Reich.
Une colonne de camions qui transportent les volontaires de
Montluçon au mont Mouchet est interceptée par les Allemands. Sept camions sur
onze sont arrêtés, incendiés… Plusieurs dizaines de jeunes gens sont massacrés.
La ville de Saint-Amand-Montrond, libérée quelques heures
par les FFI, est reprise par un bataillon de parachutistes allemands. Des
maisons sont incendiées, des habitants massacrés au hasard.
Une nouvelle fois, le général Koenig, commandant en chef des
FFI, constatant ces massacres, ce rapport des forces, envoie un message qui
dans les maquis n’est pas suivi parce qu’il est trop tard, qu’on y applique les
premières consignes appelant à l’insurrection nationale.
Or le général Koenig écrit le 10 juin et diffuse
jusqu’au 17 juin le texte suivant :
« Ordre du général Koenig. Freinez au maximum activité
de guérilla. Stop. Impossible actuellement vous ravitailler en armes et en
munitions en quantité suffisante. Stop. Rompre partout contact dans mesure du
possible pour permettre phase de réorganisation. Stop. Évitez gros rassemblement,
constituez petits groupes isolés. »
Ce message répété provoque le désarroi, la révolte,
l’incompréhension, la suspicion : ne s’agit-il pas d’un « faux
message » fabriqué par les services allemands de renseignements ? Les
agents de l’Abwehr sont des spécialistes de ce « retournement » des
radios, de ce wireless gamble (jeu des radios).
Ainsi, cette seconde quinzaine de juin 1944, qui devrait
être – et qui est – un moment d’enthousiasme et de combat, est aussi
le temps du trouble et des hésitations.
Dans les grands maquis – en Auvergne : le mont
Mouchet ; en Savoie : le Vercors ; dans le Morbihan : le
maquis de Saint-Marcel où se trouvent les parachutistes français du SAS –,
c’est la stupeur.
Il est trop tard. On ne peut renvoyer les volontaires dans leur
foyer.
« Ils sont grillés et risqueraient d’être arrêtés par
la Gestapo ! »
Alors,
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