1944-1945-Le triomphe de la liberte
peut-être grâce à elle seule que nos enfants et nos petits-enfants
pourront vivre en paix. Ce but, à mes yeux, peut être atteint aisément. Sur le
champ de bataille, les résultats obtenus sont bons, très bons, cependant qu’un
travail non moins excellent s’accomplit derrière le front : grandes sont
les espérances de voir la victoire porter des fruits éternels. »
Staline est satisfait.
Le « directoire » des Trois Grands fait de la
Russie soviétique, suspecte depuis 1917, un partenaire reconnu, l’égal des
grandes démocraties.
Katyn et tant d’autres crimes sont ensevelis dans le
silence.
Staline et Churchill sont ovationnés lorsqu’ils apparaissent
dans la loge du Théâtre Bolchoï en compagnie de l’ambassadeur américain
accompagné de sa fille Kathleen. À la fin du spectacle, un dîner est offert par
Staline dans une pièce attenante à la loge.
Un Russe compare les Trois Grands à la Sainte-Trinité.
« Dans ce cas, lance Staline, Churchill est le
Saint-Esprit. Il n’arrête pas de voler dans les airs. »
Et Churchill évoque ses « deux amis », le
président Roosevelt et le maréchal Staline.
Le 19 octobre, Staline accompagne Churchill à
l’aéroport, et quand l’avion du Premier ministre commence à rouler sur la
piste, il agite son mouchoir !
Mais il suffit de quelques semaines pour que la « grande
amitié » se fissure.
En Grèce, les communistes essaient de s’emparer du pouvoir.
Ils se soulèvent à Athènes.
Churchill aussitôt, en dépit des Américains et de l’opinion
publique anglaise, fait intervenir les troupes britanniques.
« Nous devons tenir et dominer Athènes, dit-il au
général Scobie qui commande les unités anglaises. Il faut procéder sans
effusion de sang si possible mais avec effusion de sang si nécessaire. »
Lui-même, à la fin de l’année, se rendra à Athènes,
parcourant les rues de la capitale à bord d’une automitrailleuse, indifférent
au danger.
Et les communistes ne s’empareront pas de la Grèce.
De Gaulle ne doute pas de la détermination de Churchill. Ce
Premier ministre-là ne sera jamais un Chamberlain, qui, en septembre 1938, à
Munich, capitula devant Hitler.
Churchill veut bien dîner avec le diable mais avec une
longue cuillère et il est capable de renverser la table !
43.
De Gaulle le reçoit à Paris.
C’est le 11 novembre 1944. Ce jour des morts pour la
patrie. De Gaulle regarde devant lui la tombe du Soldat inconnu. À ses côtés,
Winston Churchill, arrivé la veille au soir à Paris en compagnie de sa femme,
de sa fille et d’Anthony Eden.
Ils ont déjà remonté en voiture l’avenue des Champs-Élysées.
Délire de la foule. Cris enthousiastes pour cet homme
joufflu qui lève le bras, doigts écartés en forme de V, sa grosse tête ronde
écrasée sous la casquette bleue à feuilles de chêne dorées d’officier de la
Royal Air Force.
De Gaulle l’observe. Churchill a droit à la reconnaissance
du pays. Et peut-être la nation, en voyant l’allié s’incliner devant le héros
inconnu ou la statue de Clemenceau, oubliera-t-elle la honte de juin 1940.
Alors, faste pour Churchill.
Baignoire en or au premier étage du Quai d’Orsay, qui lui
est tout entier réservé. Escorte de gardes républicains en grand uniforme
entourant la voiture découverte, et maintenant descente à pied des
Champs-Élysées en compagnie de Duff Cooper, d’Alexander Cadogan et d’Anthony
Eden.
De Gaulle marche à ses côtés. La foule crie :
« Vive Churchill ! Vive de Gaulle ! Vive
l’Angleterre ! »
Puis c’est le défilé des troupes. La musique qui joue Le
Père la Victoire parce que de Gaulle sait que Churchill connaît cette chanson
à la gloire de Clemenceau.
De Gaulle se penche :
« For you », dit-il au Premier ministre.
On se rend aux Invalides sur le tombeau de Foch et celui de
Napoléon.
« Dans le monde, il n’y a rien de plus grand »,
murmure Churchill.
Échange de toasts au ministère de la Guerre.
« Dans mille ans, commence de Gaulle, la France n’aura
pas oublié ce qui fut accompli dans cette guerre par le noble peuple que le
très honorable Winston Churchill entraîne avec lui vers les sommets d’une des
plus grandes gloires du monde. »
Churchill a les larmes aux yeux.
De Gaulle se souvient, en conviant le Premier ministre à
prendre place dans son bureau aux côtés d’Eden et de Bidault, de ces
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