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1944-1945-Le triomphe de la liberte

1944-1945-Le triomphe de la liberte

Titel: 1944-1945-Le triomphe de la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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prendre exemple sur
vous, car vous êtes inimitable.
    — Thorez… » commence Staline.
    Il lève la main, poursuit :
    « Ne vous fâchez pas de mon indiscrétion. Je connais
Thorez, à mon avis, c’est un bon Français. Si j’étais à votre place, je ne le
mettrais pas en prison, du moins pas tout de suite.
    — Le gouvernement français traite les Français d’après
les services qu’il attend d’eux », répond de Gaulle.
    Il ne cesse de regarder ce personnage dont l’attitude
exprime tour à tour la vulgarité, la violence et la brutalité, le cynisme cruel
et le mépris, mais aussi l’intelligence et la roublardise.
    Staline porte un uniforme à l’ample vareuse. Il est chaussé
de bottes noires en cuir souple.
    Il paraît assoupi, puis tout à coup il s’exclame :
    « Ah ! ces diplomates, qu’ils sont ennuyeux,
qu’ont-ils à parler ainsi ! Une mitrailleuse ! Voilà ce qu’il
faudrait ! Une mitrailleuse sur eux, ils se tairaient vite. »
     
    La menace est toujours présente. Dans les toasts qu’il
prononce, levant son verre, disant à tel ou tel Soviétique : « Fais
ce que tu dois, sinon tu seras pendu comme on fait dans ce pays. »
    Mais quel est ce pays ?
    De Gaulle assiste au Grand Théâtre à un spectacle de ballet.
Il parcourt les galeries du musée des Trophées où sont rassemblées les prises
de guerre, de l’uniforme du maréchal von Paulus, le vaincu de Stalingrad, aux
drapeaux à croix gammée des divisions allemandes détruites.
    De Gaulle reçoit, à l’ambassade de France, les intellectuels
et les écrivains amis de la France et, parmi eux, le général comte Ignatiev,
ancien attaché militaire du tsar à Paris.
    Ce pays, c’est la Russie, sur laquelle on a collé le masque
du communisme qui la déforme et qui l’exprime.
    Et quand le masque tombera, il restera la Russie.
     
    De Gaulle se rend plusieurs fois au Kremlin. Dîner fastueux.
Staline boit, porte de nouveaux toasts, se tourne vers Palewski, Polonais
libre : « Je bois aux Polonais. On ne cesse jamais, monsieur
Palewski, d’être polonais. »
    C’est bien la vieille obsession russe, l’éternelle volonté
de soumettre la Pologne qui perce chez Staline.
    Staline veut que la France reconnaisse le gouvernement
polonais prosoviétique qui siège à Lublin, et abandonne le gouvernement
polonais installé à Londres.
    De Gaulle écoute, impassible.
    « Je prends note de votre position, dit-il. Mais je
dois vous répéter que le futur gouvernement de la Pologne est l’affaire du
peuple polonais, et que celui-ci, selon nous, doit pouvoir s’exprimer par le
suffrage universel. »
    De Gaulle ne baisse pas les yeux quand Staline le fixe,
gronde, peste, laisse entendre qu’il n’y aura pas, si les Français ne
reconnaissent pas le gouvernement de Lublin, de pacte franco-soviétique.
     
    Ne pas céder, même quand Staline tente de séduire.
    Le régiment Normandie-Niemen est amené à Moscou pour que
de Gaulle puisse passer en revue ces aviateurs français. Il est fier de ces
hommes, les seuls soldats d’Occident à se battre en Russie. Il les décore dans
le froid glacial, puis il se rend à l’ambassade.
     
    Ne pas céder.
    Et pourtant, mesurer que les Anglo-Américains, Churchill l’a
avoué, accepteront la domination de Moscou sur l’Europe centrale.
     
    Ne pas céder.
    « Parce que l’avenir dure longtemps. Tout peut un jour
arriver, même ceci, qu’un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté apparaisse
en fin de compte comme un bon placement politique. »
     
    Ne pas céder.
    Et, au terme d’une soirée interminable avec projection de
films de propagande, dire à Staline : « Je prends congé de vous, le
train va m’emmener tout à l’heure. Je ne saurais trop vous remercier… »
    Entendre Staline murmurer : « Restez donc, on va
projeter un autre film. »
     
    Et s’éloigner. Puis attendre à l’ambassade. À 4 heures
du matin, les Russes ont renoncé à leurs exigences. Le gouvernement polonais de
Lublin n’est pas reconnu par la France, qui se contentera d’y envoyer un
délégué, le capitaine Christian Foucher. Et le pacte est signé.
     
    Dîner à nouveau, à 5 heures du matin, le
10 décembre.
    « Vous avez tenu bon, à la bonne heure, dit Staline.
J’aime avoir affaire à quelqu’un qui sache ce qu’il veut, même s’il n’entre pas
dans mes vues. »
    Il bavarde, détendu, amical.
    « Après tout, il n’y a que la mort qui

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