1944-1945-Le triomphe de la liberte
regain de prestige
et d’initiative à l’Angleterre.
Churchill part donc pour Moscou où il arrive, le 9 octobre
1944, après un vol de trente-six heures.
Il est brûlant de fièvre, mais il se rend directement au
Kremlin afin d’ouvrir les négociations avec le maréchal Staline.
Il a 70 ans !
Faste de l’accueil, chaleur des démonstrations d’amitié de
Staline.
Le maréchal félicite Churchill d’avoir déclaré à la Chambre
des communes, le 4 octobre :
« Hitler, Goering, Goebbels et Himmler figurent sur la
liste britannique des criminels de guerre. »
Staline ajoute que le peuple russe a été touché d’apprendre
que Churchill reconnaissait que « les Russes avaient cassé les reins à la
machine de guerre allemande ».
« Nous ne l’oublierons pas », dit Staline.
Phrase ambiguë.
Qu’est-ce que les Russes garderont en mémoire : la
déclaration de Churchill ou la réalité du rôle déterminant de la Russie dans la
guerre ?
Avant d’accueillir Churchill, Staline a répété à Molotov,
son ministre des Affaires étrangères :
« La question des frontières se résoudra par la
force. »
Pour l’heure, assis face à Churchill, il se tait, observant son
interlocuteur qui écrit sur un bout de papier des noms, des chiffres.
Pour chaque nation, Churchill évalue l’influence respective
des Britanniques et des Russes.
« Roumanie : 90 % pour la Russie, 10 %
pour les autres.
« Grèce : 90 % pour la Grande-Bretagne –
en accord avec les États-Unis – et 10 % pour la Russie.
« Yougoslavie : 50/50.
« Hongrie : 50/50.
« Bulgarie : 75 % pour la Russie, 25 %
pour les autres. »
Churchill pousse la feuille de papier vers Staline.
Celui-ci la lit d’un seul regard et avec un crayon bleu
coche sans hésiter les pourcentages.
Churchill est surpris de cette approbation totale et
immédiate.
« On pourrait nous taxer de cynisme et dire que nous
disposons de la vie de millions d’individus avec beaucoup de désinvolture,
n’est-ce pas ? » interroge-t-il.
Il hésite, puis ajoute :
« Brûlons ce papier. »
Staline, les yeux plissés, dit avec un sourire :
« Non, gardez-le. »
Les ministres Eden et Molotov vont durant deux jours
négocier à partir de ce document.
Il a suffi de quelques minutes pour parvenir à ce
« partage ».
Mais Churchill craint que ce ne soit la situation des
troupes de l’armée Rouge sur le terrain qui détermine l’influence
« occidentale » ou russe.
Cependant, il ne renonce pas et s’illusionne encore.
Le 13 octobre, il écrit à son épouse :
« Les affaires vont bien. Nous avons réglé beaucoup de
choses au sujet des Balkans et désamorcé des quantités de querelles en
puissance. Les deux variétés de Polonais – ceux de Londres et ceux de
Lublin, les uns pro-occidentaux, les autres pro-russes – sont arrivées et
sont logées pour la nuit dans deux cages distinctes. Nous les verrons demain à
tour de rôle. […] J’ai eu des conversations très agréables avec le vieil Ours.
Plus je le vois, plus il me plaît. Maintenant, on nous respecte ici, et je suis
sûr qu’ils veulent coopérer avec nous. »
Churchill désire parvenir, presque à n’importe quel prix, à
une entente avec Staline, qui permettra à l’Angleterre de demeurer une grande
puissance influente.
Il dit :
« De bonnes relations avec Staline sont plus
importantes qu’un tracé de frontières. »
Il se rassure en répétant : « Staline n’a qu’une
parole. »
Il fait la leçon aux Polonais fidèles au gouvernement
polonais en exil à Londres, afin qu’ils acceptent le Comité national de Lublin,
création russe.
« Si vous pensez pouvoir conquérir la Russie, eh bien,
vous êtes tombés sur la tête, vous devriez être enfermé, dit-il au chef du
gouvernement en exil à Londres. Vous nous entraîneriez dans une guerre qui
pourrait faire 25 millions de morts. Vous seriez liquidé. Vous détestez
les Russes ; je sais que vous les détestez. Nous, nous avons avec eux des
relations amicales – bien plus amicales qu’elles ne l’ont jamais été… et
j’entends que cela continue ! »
Est-il dupe ?
Ou bien fait-il le pari qu’un « pacte avec le
diable » est nécessaire pour « assurer la paix » ?
Il exalte l’amitié des Trois Grands – Russie,
États-Unis, Grande-Bretagne.
« La paix revenue, cette amitié peut sauver le monde,
et c’est
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