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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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ferai chevalier quand il aura l’âge, je lui ferai faire son chemin. Ce n’est pas à dédaigner, cela.
    — Grand merci, cousin. Mais j’aime mieux vous parler franchement, et qu’après cela reste entre nous et qu’on n’y pense plus : je ne suis pas encore si pauvre ni si déconsidéré que je doive donner ma fille unique au fils d’une paysanne de Bernon. » Les yeux des deux hommes se rencontrèrent, et ce fut Herbert qui détourna la tête le premier, tant il y avait de cruauté froide dans le regard de Joceran. Et il comprit qu’il céderait et que malgré tout ils resteraient amis ; et il comprit aussi que Joceran prononçait l’arrêt de mort d’Ernaut et que c’était cela qui lui faisait plaisir. Lui, Herbert, qui n’avait de pitié ni d’égard pour personne, il était là en face de cet homme dont il n’avait à retirer aucun avantage, qu’il n’aimait pas et qui ne l’aimait pas, et qui s’amusait à lui faire du mal – et il sentait que le lien qui les unissait n’en serait que plus fort – car il était attiré par la cruauté comme d’autres le sont par la bonté, et il sentait vaguement que ce petit homme maigre que personne ne craignait était peut-être pire que lui.
    Il se leva et s’étira lentement.
    « Bon, dit-il, je pourrais vous dire que le grand-père de dame Brune, votre femme, était forgeron à Jeugni, et que votre mère était issue de concubinage, et qu’une paysanne de Bernon est aussi de la côte d’Adam, mais comme ce ne sont là que prétextes, il ne sert à rien d’en parler. »
    Joceran était devenu pâle de fureur, il devenait toujours ainsi chaque fois qu’on lui parlait de sa mère, laquelle avait eu, en effet, la plus mauvaise réputation. « Vous êtes encore bien bon, cousin, de ne pas me traiter moi-même de bâtard. Je sais qu’Ernaut l’a fait, ma fille me l’a dit.
    — Ernaut est un sacré imbécile, s’il l’a fait, et votre fille une garce, de vous l’avoir répété. Ne parlons plus de cela, puisque cette histoire vous met tellement en colère. « Mais la colère de Joceran n’était nullement apaisée. Il cherchait à se venger et ne savait comment s’y prendre.
    « Oui, parlons d’autre chose, dit-il enfin. C’est pour un service que vous pourriez me rendre, et qui vous profiterait à vous aussi. Pourriez-vous me dire à qui vous avez vendu votre pur sang arabe, le roux aux yeux bleus ? Il y a un banquier de Bar-surAube, qui l’a vu voilà deux ans à Troyes, et qui n’en dort plus la nuit, tant il en a envie. Il le rachèterait à n’importe quel prix, et m’a promis une bonne commission là-dessus. Je vous en céderais la moitié. »
    Herbert se mordit la lèvre pour réprimer un sourire, car l’histoire du pur sang lui évoquait des souvenirs après tout assez agréables.
    « Je vous croyais plus au fait des potins du pays, cousin, dit-il. Et je ne croyais pas mes valets si discrets. Votre banquier perd sa peine : j’ai abattu mon cheval. Voilà un an déjà.
    — Il était donc si malade ?
    — Il n’avait aucun défaut. Vous devez connaître l’histoire aussi bien que moi, je pense. Si vous voulez, je vais vous avouer la vérité : j’ai vu en rêve que le cheval était ensorcelé et qu’il portait malheur. Je l’ai tué et je suis allé jeter les yeux dans l’Armançon.
    — Vous êtes bien superstitieux, cousin.
    — C’est l’inconvénient du métier de soldat. » Herbert était assez fâché contre Joceran pour se permettre cette insolence
    — Joceran n’avait jamais été soldat, pour raisons de santé, et sa famille en était déconsidérée dans le pays. Le coup avait porté, car Joceran avait trop de points faibles pour ne pas être susceptible à l’excès. Il eut un sourire méchant et dit : « Tout de même, cousin, je vous conseillerais, pour ma part, de ne pas faire de pareilles extravagances : on vous accuserait de sorcellerie ou de Dieu sait quoi. Savez-vous qu’on raconte déjà que vous vous servez de charmes diaboliques pour séduire des demoiselles du pays ?
    — Quels racontars stupides ! Jamais je n’ai eu besoin de ça. Et puis, si je connaissais des charmes pareils, mon fils n’en serait pas aujourd’hui à mendier vos bonnes grâces. »
    « Vieux renard, va, pensait Herbert. Il croit me faire peur avec cette vieille histoire, mais ce n’est pas de lui que ma mère croirait à des médisances sur mon compte. Il a dû faire pis, lui.

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