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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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lui ce qui était bien ou mal pour lui ; et qu’elle ne lui ordonnerait rien qui ne fût pour son bien, car elle ne pouvait vouloir que le bien. À présent il avait en elle une telle confiance qu’il lui paraissait presque indifférent qu’elle lui donnât son amour ou non. Car elle était elle-même amour, et chacun de ses mots et de ses gestes était amour.
    Et Marie se sentait bouleversée par l’étrange tendresse que lui inspirait ce grand garçon aux yeux gris. Elle pensait que c’était de la faiblesse, et s’effrayait déjà et se méprisait elle-même. « Où sont les épreuves que je lui ai promises ? pensait-elle, que Dieu me refuse le salut si je me laisse séduire par des plaisirs frivoles. Dieu m’est témoin, plus je l’aimerai et plus je serai dure avec lui. » Et cette résolution fit se tordre ses lèvres en un sourire douloureux, car combien de joie ne trouverait-elle pas à être dure sachant que c’est par amour !
    Elle dit : «  Ami, je veux vous laisser une semaine pour la réflexion. On ne fait pas de tels serments à la légère. Si je m’engage à vous accepter comme vassal et à vous mettre à l’épreuve, ce n’est pas par caprice ni par vanité, mais pour vous apprendre à servir l’amour. Car c’est là le devoir d’une femme. Pensez bien à ce que je vous ai dit et décidez-vous. Si dans une semaine vous ne changez pas d’avis, alors Dieu vous garde de jamais violer votre parole, je vous tiendrais pour un traître et un lâche. »
    Le soir, à l’église, devant l’image de saint Pierre, Haguenier essayait de concentrer ses pensées et priait le saint de l’éclairer. « Elle sait bien, se disait-il, que ce n’est pas en huit jours que je changerais d’idée, et que j’aurais l’air d’un lâche si tout d’un coup je m’effrayais des épreuves. Sans doute pense-t-elle à des choses si profondes et si difficiles que je ne pourrais les comprendre. Comment puis-je alors m’engager à remplir ses conditions ? Quoi, quand elle me demanderait, comme à Lancelot, de me rendre ridicule devant toute la chevalerie du pays, de faire le couard au tournoi, aurais-je la force de le faire ? Moi qui n’ai déjà pas une belle réputation pour me protéger ? Soit, je le ferais, puisque à ses yeux du moins je ne serais pas déshonoré. Si elle me demande d’aller vivre trois ans dans une caverne, et me nourrir d’herbes, et ne pas la voir pendant tout ce temps ? Je ne pourrais le supporter, mais si je refuse elle me haïra, et ce sera encore pire. Et si j’accepte, et qu’après deux mois de retraite elle vienne me trouver et m’accorder son amour ? Et si elle me demande, par exemple, de trahir la foi que je dois au comte et de former un complot contre lui ? Mais sûrement elle est trop loyale pour me le demander sérieusement. Si même elle me demandait de tuer mon père je devrais accepter, car au dernier moment elle m’arrêterait et ne me laisserait pas le faire. Quelles que soient ses demandes, ne sais-je pas qu’elle est trop pure pour me vouloir du mal, car il n’y a aucun mal en elle. »
    Et le lundi de Pâques, au château du comte, devant Aielot, la dame de Chesley et deux autres dames d’honneur de la comtesse, Haguenier engagea solennellement sa foi à la dame de Mongenost, et reçut d’elle un anneau d’améthystes, à porter sur le petit doigt de la main gauche, en signe qu’elle était à présent son seigneur et lui son vassal.
    Puis Marie tendit à son nouveau chevalier un miroir d’acier poli grand comme une assiette et entouré d’un large cadre d’argent ciselé. « Je veux, dit-elle, que désormais vous n’ayez aux tournois d’autre bouclier que celui-ci. Si vous arrivez à vaincre au moins trois chevaliers, tout en gardant l’acier intact, les dames que voici vous accorderont le prix de votre vaillance. »
    Aielot devint toute rouge, mais n’osa rien dire sur le moment, pour ne pas troubler la solennité de l’entrevue. Marie scrutait avidement le visage d’Haguenier : « S’il se trouble, jamais je ne l’aimerai », pensait-elle. Mais Haguenier n’était pas un novice et savait que le contrôle de son visage était la première règle des bonnes manières.
    « Je ne vous demanderai qu’une chose, dame, dit-il en tournant son nouveau bouclier vers Marie, regardez-vous dans ce miroir, et pour moi il gardera toujours votre image ; et alors je saurai le protéger et il saura m’aider à vaincre. » Et Marie

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