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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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N’empêche que ce pur sang n’ait été la plus belle bête que j’aie jamais eue dans mes écuries, et que je ne le regrette pas. » Il revoyait Églantine telle qu’elle était à présent, dans un coin de la salle de Bernon, hâve et dépeignée, avec son regard fixe et comme perdu au loin. Quand elle l’avait revu, à Bernon, la première fois après l’histoire du mariage, elle s’était trouvée mal, et il l’avait presque désirée à nouveau ce jour-là. Il regrettait un peu d’avoir rompu aussi brutalement, l’aventure eût pu durer quelques mois de plus, il n’en eût rien perdu. Par caprice, il s’était privé de sa dernière chance de passion, mais quoi, un peu plus tôt, un peu plus tard, il en aurait eu assez de toute façon.
    Ce n’était pas pour rien, pourtant, qu’il avait sacrifié son cheval ; il n’en aurait pas eu besoin pour obtenir ce qu’il voulait, mais il l’avait fait de grand cœur, pour ménager l’orgueil de la jeune fille, pour lui montrer qu’il ne l’estimait pas à vil prix, pour lui-même aussi il l’avait fait, pour mieux fêter leurs noces de damnés. Depuis son mariage avec Aelis, aucune femme ne lui avait encore fait perdre la tête à ce point. Et il n’était plus jeune, et une telle occasion ne se renouvellerait plus. Puisque à présent l’inceste même lui paraissait une chose tout ordinaire, il ne voyait pas jusqu’où il pourrait encore aller pour trouver du plaisir. « Bientôt, pensait-il, il faudra me ranger parmi les vieux. Il est temps, peut-être, j’ai assez d’autres choses à faire. Mais c’est quand même dommage. Du moins, je peux me vanter d’avoir terminé cette histoire-là comme il faut, car c’est une fille finie, à présent ; qu’elle m’aime encore ou non, elle n’est pas près de me donner un successeur. »
    « À quoi sert de nous disputer, cousin ? dit-il enfin à Joceran. Vous savez que je n’ai jamais été un mauvais parent pour vous. Qu’auriez-vous pu faire si j’avais fait enlever votre fille de force ? Et si je ne le fais pas, ce n’est pas l’envie qui m’en manque. Mais je ne veux pas être déloyal envers vous. Je vous demanderai seulement une chose : vous direz à mon fils que vous voulez attendre, qu’il faut qu’il fasse encore ses preuves, donnez-lui un délai, j’essaierai de le distraire d’ici là. »
    Et il arriva à persuader Ernaut de partir faire un an de service chez le baron de Chantemerle, du côté de Provins. Ernaut reçut le coup avec plus de calme qu’Herbert n’eût pensé. Seulement son visage avait perdu brusquement toute sa beauté, et ses yeux étaient devenus mornes et vides. « Je sais qu’il veut ma mort, dit-il à son père, et il l’aura. Sachez que si vous ne l’empêchez pas de marier Ida à un autre, vous serez responsable de ma mort, vous aussi. » Puis il partit pour Provins, et Herbert apprit bientôt qu’il y passait tout son temps libre à courir les bordels. « Tant mieux, après tout, pensait le père, cela lui fera passer sa folie. »
HAGUENIER : PREMIÈRE ÉPREUVE. LE SERMENT
    Haguenier retrouva sa liberté la veille des Rameaux, Jacques de Pouilli avait remis au comte de Bar le montant de la rançon, et était venu chercher lui-même son beau-frère, accompagné d’Aielot ; c’était une belle journée de printemps, les cerisiers commençaient à fleurir, les champs étaient verts et noirs et les forêts encore grises. Aielot portait une robe d’un vert éclatant qui faisait paraître rosées ses nattes presque blanches. Elle s’amusait à casser au passage les branches de cerisiers et à en orner la crinière de son cheval. Jacques de Pouilli parlait à son beau-frère des fêtes que la comtesse organisait en l’honneur de Pâques. Il y aurait deux grands tournois, où s’affronteraient d’abord la chevalerie de Reims contre celle de Troyes, et ensuite celle de Champagne contre celle de Bourgogne, car beaucoup de barons renommés de Tonnerre et de Dijon voulaient mesurer leurs forces avec les Champenois. « C’est là, disait Jacques, que vous pourrez prendre votre revanche et gagner le prix que vous espérez. »
    Le dimanche des Rameaux, Haguenier put voir Marie à l’église Saint-Pierre, au milieu des dames qui entouraient la comtesse. Elle était si différente de toutes les autres qu’il ne lui était pas difficile de la suivre des yeux dans la foule ; et il s’attardait exprès sur le parvis de l’église pour

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