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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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demi-heure après, tenant dans la main une petite bourse de cuir marron. Il avait l’air embarrassé.
    « Gaucelm, dit-il. Gaucelm, ne m’en veuillez pas. Je n’y suis pour rien. J’ai longtemps parlé avec mon beau-frère. »
    Bertrand leva la tête, un sourire très dur tremblait et se tordait sur ses lèvres. « Il refuse, Roger ?
    — Il dit qu’il faut être fou pour héberger le mari de la Buona Constanza, au moment où l’on recherche les nôtres, dans la ville. Moi-même je suis suspect. Gaucelm ! Il ne faut pas m’en vouloir. Les miens sont à Gaillac, je n’ai rien ici. Mon beau-frère me garde parce qu’il veut bien. Je suis à sa merci.
    — Moi à la vôtre, Roger.
    — Ne le dites pas, Gaucelm. Tel que vous êtes, personne ne vous fera de mal. Ces gens qui vous ont amené ici peuvent vous mener jusqu’à Pamiers ; en ce moment, ce n’est plus tellement dangereux, on va sur l’automne. Je ne suis pas riche, mais je peux leur promettre, quand j’aurai repris Gaillac – ils peuvent venir me trouver, je saurai bien les récompenser. Vos frères le feront sûrement aussi, du reste. Gaucelm ! Gaucelm, ne croyez pas. Voici, dans cette bourse, c’est la moitié de tout ce que j’ai, cinq marcs, cela vous servira à acheter des vivres en route, cela vous servira, Gaucelm. Gaucelm ! je vous dis que je n’y peux rien, ne me regardez pas ainsi.
    — Je ne vous regarde pas, Roger, dit l’aveugle lentement. Je n’ai plus d’yeux, vous le voyez bien. Dieu merci, je n’ai plus d’yeux, je ne vous vois pas. Votre figure ne doit pas être belle en ce moment.
    — Gaucelm !
    — Merci, Roger, poursuivit Bertrand, d’une voix presque caressante, ramollie par la haine, merci, Roger de Gaillac, pour le service que vous m’avez rendu. Merci de m’avoir accueilli, de m’avoir si bien aidé. Dieu vous donne d’être toujours aussi bien aidé par vos amis, Roger, Dieu fasse que tous vos amis soient aussi courageux et aussi fidèles. Vous pouvez garder vos trente deniers, Roger ; je sais déjà ce que c’est que d’aller sur les routes sans argent. Le bien que vous m’avez fait, Roger, je ne l’oublierai ni dans ce monde ni dans l’autre. »
    Roger lui mit quand même la bourse dans la main et dit : « Dieu vous pardonne, Gaucelm.
    — Oh ! dit l’aveugle, à moi, il pardonnera, pas à vous. Quand je serai à Pamiers, mes frères et tous nos amis sauront comment vous m’avez reçu, et ce ne sera pas à votre gloire, vous ne vous en vanterez pas, Roger. Allez ! Riquet, frère, emmenez-moi. »
    Roger de Gaillac essaya de le retenir, mais Bertrand était trop en colère pour l’écouter. Deux minutes après, les deux aveugles et les deux jeunes gens étaient de nouveau dans la rue, marchant vers la place de l’église.
    « Eh bien, dit Ansiau, qui n’avait pas écouté la conversation des deux amis, vous êtes encore avec nous, compagnon Bertrand ? »
    Alors Bertrand se souvint de son vieux camarade et se mit à rire, durement.
    « Oui, seigneur châtelain, seigneur croisé, dit-il. Si vous voulez une bonne récompense après la fin de cette guerre, vous me mènerez encore à Pamiers, c’est en montagne à cinquante lieues d’ici, et après vous n’aurez qu’à remonter à Gaillac, dans le Toulousain, Roger vous donnera peut-être un vieil habit de laine à lui.
    — Ah ! dit le vieux, qui n’avait pas bien saisi, car Bertrand parlait trop vite, et l’écume aux lèvres, il faut vous mener jusqu’à Pamiers ? Bon, de toute façon on sera à Marseille avant le printemps.
    — Eh quoi, dit Bertrand, laissez-moi sur le parvis de l’église. Je sais mendier comme un autre.
    — Allez, j’ai eu un fils, moi aussi. S’il faut aller jusqu’à Pamiers pour retrouver le vôtre, j’irai bien. À quoi sert de vous lamenter ? »
    Bertrand n’écoutait pas. La colère le rendait bavard. « Dites, vous qui êtes du Nord, est-ce que dans votre pays cela arrive aussi, entre hommes de noble sang, qu’un ami abandonne ainsi un ami, par peur ? Vous devez penser qu’on est des bâtards de valets, nous ?
    — Je ne sais pas, dit le vieux, on n’a jamais eu de guerre comme celle-là, dans notre pays. »
MÉLUSINE
    « Hé, messire Bertrand, dit Riquet, puisque vous voilà notre trésorier, seriez-vous d’avis d’acheter quelques bons fromages à la crème pour mettre sur notre pain ? »
    Bertrand jeta la bourse par terre.
    « Prenez ça, mais je ne pourrais

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