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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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l’étable ne faisaient qu’un, une cloison assez basse les séparait, il fallait vivre dans une épaisse odeur de chèvre, de lait fermenté et de crasse, et Ansiau eût préféré dormir dehors, mais il n’osait désobliger ses hôtes.
    La nuit, Riquet ne se couchait guère ; il se promenait dans le pré, et parfois Maguelonne venait le rejoindre, et il lui disait les noms des étoiles et leur histoire, et lui décrivait les bêtes fantastiques qui vivent outre-mer. Maguelonne riait, et le traitait de menteur, car elle croyait qu’il inventait tout cela pour se moquer d’elle. Et quand il essayait de l’embrasser elle le repoussait tranquillement, comme un enfant. Riquet était trop amoureux pour vouloir être brutal.
    « Belle, tu ne veux pas de moi pour ton bon ami ? »
    Maguelonne hochait la tête, pensive. « Non. Tu parles trop.
    — Quoi, qui ne peut pas faire peut toujours parler. Si je fais l’amour avec toi, tu verras comme je saurai bien me taire.
    — Té ! Je ne te crois pas.
    — Essaie, et tu verras.
    — On raconte chez nous qu’un homme a tué sa poule pour voir si elle était bonne pondeuse. Moi, que tu parles ou non, ça m’est tout un. »
    La lune montait au ciel, éclairant la grande muraille de la ville et les toits de glaise et de chaume des huttes. Sur la pente, on distinguait les stries noires des vignes. Sur la tour d’angle des remparts brillait la lampe du guetteur, et les cloches des églises sonnaient matines. Maguelonne se signa et se serra frileusement dans son fichu de laine brune. On n’entendait plus que le chant des cigales dans le pré.
    Riquet, assis sur la margelle du puits, regardait le ciel et jouait avec la corde du seau. « Mélusine, viens ici plus près. Pense encore à ceci : pourquoi ne m’aimerais-tu pas, moi ? J’ai le cœur plein de chansons et de gaieté et de folie. Cela ne vaut-il pas mieux que de prendre un gros paysan tout crasseux qui te battra de ses gros sabots ?
    — Que non, je ne vendrai pas mon pucelage pour tes chansons, beau jongleur. Va, cherche-toi une chanteuse. » Maguelonne soupira et se glissa dans la grange où dormait sa mère. Mais Riquet, à la lueur de la lune, crut voir briller des larmes dans ses yeux.
    Riquet restait là, jouant toujours avec la corde ; il sentait sa poitrine se gonfler comme si quelque chose de plus grand que lui était entré en lui et le soulevait. « Au diable, pensait-il, au diable, au diable…» il ne savait plus au juste ce qu’il envoyait au diable. Il se leva, s’étira, étendit les bras comme pour étreindre le ciel tout entier.
    Une forme longue et fluette émergea de l’ombre d’une des maisons et se glissa vers lui, il tressaillit et se retrouva sur la terre. Auberi passa ses bras maigres autour du cou de Riquet. « C’est beau, Riquet, n’est-ce pas ? Elle est si belle. Elle t’aime, n’est-ce pas ?
    — Petit espion. Qu’est-ce que tu fais là ?
    — Je voulais voir. Oh ! Elle t’aimera, Riquet, et puis tu l’emmèneras avec nous. Je voudrais tellement.
    — Au diable si je l’emmènerais vagabonder sur les routes ! Ah ! au diable cette vie ! »
    Le lendemain, Ansiau dit à Riquet : « Mon garçon, voilà huit jours que nous sommes ici. Si nous voulons être à Pamiers avant les froids, il faut nous mettre en route. J’ai promis à ce brave homme de lui faire retrouver son fils.
    — Vous lui avez aussi promis mes yeux et mes pieds pour son service, dit Riquet, en colère. Vous voulez qu’on soit au service d’un homme qui devrait régulièrement être brûlé.
    — Moi aussi j’ai eu un fils. Je ne peux pas laisser cet homme ainsi. Il est très inquiet.
    — Qu’est-ce que cela vous coûterait, demanda le jeune homme, maussade, de rester huit jours de plus ? Vous avez besoin de repos tous les deux.
    — Je lui ai donné ma parole. Nous ne devons pas tarder, mon garçon. Du reste, j’en ai assez de vivre dans cette étable, et je veux arriver à Marseille avant la Noël.
    — À Marseille ! De toute façon vous ne trouverez jamais de bateau pour vous embarquer. Et puis les routes vont être dangereuses maintenant, les hommes d’armes ont fini leur service. Il paraît que c’est plein de routiers licenciés dans le pays.
    — Riquet, bel ami, je sais tout cela et ce n’est pas toi qui m’apprendras à vivre. Que cela te plaise ou non, nous partons demain.
    — Quand on est compagnons ensemble, on demande l’avis des autres, dit

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