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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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plus que les coups des païens. L’eau pourrie. Dieu garde Auberi de ces misères.
    « Mon seigneur, disait Auberi, voilà Riquet qui est assis là-bas sous le porche de Saint-Jacques, avec une femme.
    — Qu’il prenne garde à la bourse, alors, dit le vieux. Il sait déjà ce que coûtent les femmes.
    — Je prendrai la bourse, moi. Mais cette femme-là a l’air bien gentille. »
    On entendait le rire sonore de Riquet, et la belle voix grave de la jeune fille.
    « Il en raconte des histoires ! disait la fille, avec son parler provençal ! On les connaît, les Provençaux, chez nous. Des matelots qui ont volé des épices pour les vendre sous le manteau.
    — Tu aimerais un matelot, dis, Mélusine ? » La jeune fille rit, de son beau rire tranquille et franc. « Mélusine, il m’appelle ! Encore une blague de jongleur, je parie. Il ne peut pas parler comme tout le monde.
    — C’est une fée, Mélusine. On dit chez nous, qui a vu Mélusine se languira d’amour pour elle toute sa vie.
    — Le grand malin ! Chez nous on dit autrement.
    — Et comment dit-on, reine de Saba ?
    — Que le fou cherche la folle, le roi la reine et le vilain la vilaine. Tu n’as qu’à te chercher une folle pour faire la paire.
    — Que non ! Je suis le roi et toi la reine. »
    Ils riaient tous les deux, tant que c’était bon de les entendre. Ansiau écoutait, et la voix de la femme lui réchauffait le cœur, tant elle était saine, calme et sonore – si le bon pain bien chaud ou le bon vin du Midi pouvaient parler, ils auraient cette voix.
    « Eh ! Riquet, tu fais bien le fier, dit Auberi en approchant du couple, tu ne nous regardes même plus. » Riquet rougit, et la jeune fille se mit à rire.
    « C’est ton frère, ce garçon ? Tu es avec les tiens, ici ?
    — Oh ! des compagnons de route. Je ne les connais même pas beaucoup.
    — Viens, que je les voie. De bons compagnons, je parie. Des jongleurs dans ton genre. » La fille se leva et suivit Auberi ; Riquet, tout rouge de honte, resta à l’écart.
    La fille était grande et svelte, avec un visage hâlé, des yeux d’or et de longues fossettes sur ses joues maigres. Auberi la trouvait très belle. Elle s’arrêta devant les aveugles qui, assis sur les marches, les coudes sur les genoux, avaient levé la tête en l’entendant approcher.
    « Hé, Sainte Marie ! s’écria la jeune fille, mes bons pères ! des pauvres de Dieu ! Ce sera pour vous que ce pauvre garçon aura volé cette pièce d’argent !
    — Il ne l’a pas volée, on la lui a donnée, bonne fille, dit Ansiau.
    — N’importe, vous devez en avoir bien besoin. Venez, bons vieux, je vous ferai loger chez mon père, pour l’amour de Dieu.
    Notre étable est vide ; et vous y serez toujours au chaud pour la nuit. »
    Les aveugles se levèrent et prirent leurs bâtons, Auberi prit la main du vieux. Riquet les rejoignit en courant, le visage radieux. « N’est-elle pas bonne ? disait-il, en a-t-on jamais vu une meilleure ? » La jeune fille lui souriait avec une indulgente bonne humeur, tout en soutenant Bertrand par le bras.
    Riquet était pris pour de bon. Il suivait la belle Maguelonne aux champs pour la regarder traire ses chèvres, il se tenait près d’elle quand elle filait sur le pas de la porte, il courait ramasser pour elle du bois sec sur la colline près de la ville. Les parents de la jeune fille habitaient en dehors des murs, dans une petite bourgade que le voisinage de la ville avait préservée du pillage. Le soir, l’ombre des murs du château de Castres couvrait le village tout entier ; les habitants étaient vignerons pour la plupart, d’autres élevaient des chèvres et fabriquaient des fromages qu’ils vendaient à Castres. À présent les vignes étaient bien abîmées, et la guerre avait empêché de faire les vendanges à temps. De plus, l’été avait été sec, les chèvres avaient à peine de quoi manger.
    Le père et la mère de Maguelonne n’avaient pas fait trop mauvais accueil aux étrangers – les aveugles ne sont pas dangereux, et par temps de guerre on est bien obligé d’héberger n’importe qui. Ansiau n’était pas trop content d’entendre ses hôtes maudire à longueur de journée les gens du Nord, mais ne disait rien. « Après tout, se disait-il, c’est bien vrai que la guerre cause du tort aux pauvres gens, voilà leurs vignes perdues. Et ils vivaient de ça. » La maison était fort petite, la chambre et

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