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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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ceux de Hervi, mais c’était un bel enfant, et Herbert a dû l’équiper comme il faut, il s’y entend. » Ceux de Troyes connaissaient Herbert, il était même assez difficile de ne pas le connaître. « C’est bien la première fois, disaient-ils, qu’on voit un homme faire armer chevaliers le même jour trois fils qui ont juste le même âge ; sans vouloir vous vexer, on voit plutôt ces choses-là chez les musulmans. — Eh, disait le vieux, on n’a jamais manqué d’hommes qui vivent comme des musulmans pour ce qui est des femmes, et ce n’est pas la faute des jeunes gens s’ils sont nés bâtards ; je ne blâme pas Herbert pour cela. Ce pour quoi je le blâme, c’est d’amasser des biens pour lui comme un banquier ou un juif, alors que le Saint-Sépulcre est en si grand danger. Cela lui coûte moins d’envoyer son fils ici, que de le faire partir pour Jérusalem. — Compagnon, peut-on encore parler de croisade contre les païens quand en pays chrétien l’Église est en si grand danger ? C’est chercher à éteindre l’incendie chez les voisins quand on a le feu chez soi. — Vous parlez ainsi parce que vous êtes jeune. Et moi, je vous dirai que cette mauvaise hérésie vient de notre manque de foi, et de ce que les chrétiens trahissent Dieu par cupidité, et que les rois ne pensent qu’à agrandir leurs terres au lieu de servir Dieu. Si nous avions reconquis la Palestine, au lieu de faire la paix avec Saladin, Dieu ne nous aurait pas envoyé cette hérésie pour nous faire honte. »
    Les autres Champenois n’étaient pas de cet avis, et citaient tous les miracles que Dieu avait déjà accomplis au profit des croisés du Midi pour prouver qu’il était avec eux. « C’est une erreur, disaient-ils, que de croire que Dieu est enfermé dans le Saint-Sépulcre, si saint qu’il soit, et que c’est des terres qu’il faut conquérir pour Lui. Maintenant, ce sont des âmes qu’il faut conquérir pour Lui, et les âmes atteintes par l’hérésie sont en bien plus grand danger que celles des chrétiens persécutés en Terre sainte, et même que celles des païens. » Mais il n’est guère facile de faire entendre raison à un vieux croisé de Terre sainte. Ansiau tenait bon pour son Saint-Sépulcre. C’était le lieu le plus beau du monde, et le plus saint, et ni pape ni évêques n’y pouvaient rien changer ; il ne servait de rien de vouloir réparer les murs d’une église quand on laisse l’autel souillé et profané. Et ils discutèrent si bien qu’ils y passèrent la moitié de la nuit.
    Riquet et Bertrand, amenés par Auberi, se reposaient, étendus sur la paille près de la tente. Il y avait longtemps qu’ils n’avaient pas mangé de viande, ni bu du vin. Riquet était tout joyeux, et Bertrand très sombre : il n’avait plus peur, et en était d’autant plus écœuré d’être tombé en aussi mauvaise compagnie et de se souiller par le contact de moines et de croisés ; car il pensait ne devoir sa sécurité qu’à leur sottise. « Et quoi de plus sot, pensait-il, que ce vieux soldat aveugle qui hennit comme un cheval parce qu’on lui raconte des histoires de son pays ? Et qui ne connaît rien de plus beau sur terre qu’un sépulcre vide, lieu de honte et triomphe du diable ? »
    Castres était pavoisée pour l’arrivée du renfort de croisés, et les bannières qui flottaient sur les tours étaient à fleurs de lis et aux aigles d’empire. La ville était pleine de soldats. C’était le matin, les cloches des églises battaient à toute volée. Les quatre pèlerins montaient par les rues à gradins avec la foule des bourgeois qui se rendaient à la messe, il fallait raser les murs pour éviter de recevoir un coup de pied de quelque valet robuste et zélé. « Hé, là, les gueux, les puants, ce n’est pas le parvis de l’église ici. Les voilà qui viennent se mettre au passage d’une dame, avec leurs groins tout crottés. »
    La place devant l’église était pleine de monde, c’était jour de marché – un marché de temps de guerre ; bien hardis étaient les quelques maquignons qui amenaient dans l’enclos leurs pouliches aux jambes enchaînées ; les quelques marchands de bétail qui y rassemblaient leurs chèvres et leurs moutons gris de poussière ; à la droite de l’église, le long des maisons, les pâtissiers, les fromagers disposaient par terre leur marchandise en regardant d’en dessous les bourgeoises et leurs servantes qui

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