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4 000 ans de mystifications historiques

4 000 ans de mystifications historiques

Titel: 4 000 ans de mystifications historiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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Balaklava, du nom du port voisin, à l’est de Sébastopol. Mais Lucan avait reçu l’ordre de ne pas engager le combat. L’une de ses brigades, la brigade lourde (4 e et 5 e dragons de garde, 1 er , 2 e et 6 e dragons), faisait face à l’ennemi dans la plaine ; l’autre, la brigade légère (4 e et 13 e dragons légers, 8 e et 11 e hussards et 17 e lanciers), se trouvait au nord de la chaîne des monts Vorontsov.
    Les Turcs ouvrirent le feu. La brigade lourde fonça : la cavalerie russe se dispersa sous le choc et se replia sur les monts. La charge de la brigade lourde avait duré exactement cinq minutes. Un escadron russe s’élança vers le 93 e highlanders, en tuniques rouges – la fameuse Thin Red Line, « la mince ligne rouge » des récits épiques –, et fut également mis en déroute. Les Russes se reformèrent dans les montagnes et reçurent des renforts ; de plus, ils disposaient des vingt-deux canons anglais enlevés aux Turcs. Ils faisaient alors face à la brigade légère, flanquée à brève distance, à sa gauche, d’un régiment de cavalerie français, le 4 e chasseurs d’Afrique, sous le commandement du général Canrobert.
    Le commandement anglais, en la personne de lord Raglan, s’inquiéta de la possibilité que les Russes déplacent les canons anglais ; il chargea le capitaine Edward Nolan, du 15 e hussards, de transmettre à la brigade légère l’ordre d’attaquer, afin de reprendre les redoutes abandonnées par les Turcs et les canons qui s’y trouvaient.
    Lucan ne comprit pas ce qu’il devait attaquer. Il lut et relut l’ordre de Raglan, griffonné sur une feuille. Nolan exécrait Lucan, qu’il tenait pour un incapable.
    « Les canons ! Lord Raglan vous donne l’ordre d’attaquer tout de suite ! », tonna Nolan en tendant le bras.
    Lucan interpréta le geste comme un ordre de charger, alors que Nolan avait voulu lui indiquer les redoutes dans les monts Vorontsov. Le malentendu était total. Lucan s’élança à bride abattue vers lord Cardigan, commandant de la brigade légère, pour lui transmettre cet ordre à son tour.
    La brigade légère se trouvait alors devant un tunnel long d’un mille, au bout duquel l’attendaient douze canons et l’infanterie russe. Mais Lucan et Raglan foncèrent. Cinq minutes plus tard, les canons tonnèrent. Canrobert lança le 4 e chasseurs d’Afrique, sabra les artilleurs russes, réduisit au silence leurs canons, mais subit des pertes énormes. Vingt-cinq minutes plus tard, il ne resta que dix hommes sur six cent soixante-treize du 13 e chasseurs légers, vingt-cinq du 11 e hussards, trente-cinq du 17 e lanciers. Le massacre avait été inouï. Le capitaine Nolan, dont l’imbécillité fut longuement évoquée par les commentateurs militaires, n’était plus là pour se défendre : il était mort au combat.
    *
    « Il semble que, dans un moment d’aberration malheureuse, nous ayons sacrifié plusieurs centaines de nos cavaliers », écrivit le correspondant du Times dans le numéro du 14 novembre 1854.
    Le commandant en chef, lord Raglan, avait émis un ordre confus, le capitaine Nolan n’y avait rien compris, Lucan et Cardigan non plus. Cet épisode désastreux fut hâtivement travesti sous les oripeaux de l’héroïsme. « C’est magnifique, mais ce n’est pas la guerre », commenta le général Bosquet.
    Néanmoins, des centaines de milliers d’écoliers anglais ont appris pendant des décennies à célébrer l’amer courage d’accomplir son devoir et d’exécuter des ordres ineptes. Beaucoup moins apprirent cependant que la passion de l’héroïsme peut aussi rendre stupide : ce fut ainsi que le roi George IV prétendit à qui voulait l’entendre qu’il avait dirigé une division à Waterloo. Il était difficile de le contredire, bien qu’il n’eût jamais mis les pieds sur la fameuse plaine ; il ne mystifia que lui-même, alors que les autorités qui ont travesti la charge de la Balaklava en page glorieuse ont mystifié toute une nation.

1860
    La véridique et déconcertante histoire
d’Orélie Antoine I er , roi d’Araucanie-Patagonie
    Plus d’un professeur de géographie serait aujourd’hui en peine de dire où se trouve l’Araucanie. S’il consultait un atlas ou un dictionnaire, il ne l’y trouverait pas : aucun de ces types d’ouvrages ne mentionnent ce pays. Pourtant, il exista bien ; il se situait entre les fleuves Bio-bio (le nom est véridique) et Tolten au sud et les

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