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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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qu’il repensait avec honte au plaisir qu’il avait ressenti, que le siyoko n’était pas un homme mais un esprit malfaisant qui s’était emparé de ce corps à la peau si pâle.
    Charging Elk avait les idées confuses. Il savait qu’il avait bien agi en tuant l’esprit malfaisant, mais dans le même temps, il pleurait la mort de celle qui serait devenue sa femme, qui lui aurait apporté le bonheur et des enfants. Les deux choses étaient-elles liées ? Et surtout, était-il responsable ? Sans lui, le siyoko ne serait pas entré et Marie serait toujours en vie. Lui, il était simplement venu demander à Marie de l’épouser.
    Il retomba sur sa paillasse. Il avait mal à la tête, ce qui lui arrivait tout le temps depuis ce jour funeste. Avant, c’était uniquement quand il avait bu trop de mni sha. Il dormait très peu depuis qu’il était dans la maison de pierre. Chaque nuit, son esprit se contentait de se couper l’espace d’un moment et ses yeux de ne plus voir, et après, il avait l’impression de n’avoir jamais cessé de penser. Il reprenait tout bonnement à l’endroit où il s’était arrêté.
    Il ferma les paupières et perçut un bourdonnement sous son crâne. Des zébrures floues, jaunes et noires, dansèrent devant ses yeux, et il les regarda dans une sorte de renoncement paisible. Puis elles disparurent cependant que l’oubli le gagnait. Il dormit longtemps, profondément. Il aurait aimé qu’un rêve vînt lui indiquer la voie à suivre, mais son esprit, à l’instar d’un lapin qui fuit un faucon, se terra dans un labyrinthe.
    Charging Elk entendit d’abord coulisser la lourde plaque métallique qui ouvrait le guichet de la porte. Quelques secondes plus tard, la clé joua dans la serrure et la porte s’entrebâilla. Il garda les yeux fermés, s’attendant à sentir l’odeur âcre de la soupe.
    La voix du geôlier s’éleva : « Réveillez-vous. Vous avez de la visite. »
    Le prisonnier se souleva sur un coude, pensant avoir de nouveau affaire à Costume Marron, mais l’homme qui se tenait sur le seuil de la cellule était plus mince, vêtu d’un beau complet crème et coiffé d’un chapeau de paille à large bord qui lui couvrait la tête comme un parasol et lui dissimulait les yeux. Charging Elk constata cependant qu’il avait le teint clair et que ses poils au menton ne parvenaient pas à cacher sa jeunesse.
    « Vous avez vingt minutes », annonça le geôlier.
    Charging Elk étudia un instant ce dernier. Ce n’était pas le gros type ignoble qui l’avait si mal traité quatre ans auparavant. Celui-là était plus jeune et avait un visage mat sous une épaisse barbe noire sans laquelle il aurait pu passer pour un Lakota, mais c’était sans doute un Levantin, ou peut-être un musulman. L’Indien en conçut quelque étonnement dans la mesure où tous les gendarmes et les geôliers qu’il avait vus jusqu’à présent étaient des Français.
    L’inconnu, glissant un billet de un franc dans la main de l’homme, répondit : « Merci, monsieur. »
    Le geôlier sortit, puis referma la porte derrière lui. Charging Elk s’assit au bord de son lit.
    Le jeune homme avança le petit tabouret et s’assit à son tour. S’ils avaient été l’un en face de l’autre, leurs genoux se seraient touchés.
    « Alors, monsieur Charging Elk, comment allez-vous ? Êtes-vous bien traité ?
    — Correctement.
    — Vous me semblez en meilleure forme que la dernière fois où je vous ai rencontré. »
    Charging Elk, qui jusqu’à présent fixait le mur couvert de graffitis, jeta un coup d’œil à l’homme qui souriait.
    « Vous ne vous souvenez pas de moi, je suppose ? Martin Saint-Cyr. Je vous ai rendu visite il y a quelques années de cela… dans cette même prison. Vous n’étiez pas dans la même cellule, je crois. »
    L’expression de l’Indien ne se modifia pas. Il essayait cependant de se rappeler.
    « À l’époque, vous ne parliez pas notre langue. Il paraît que les choses ont un peu changé. Vous êtes devenu un vrai Français… au point de fréquenter l’une de nos célèbres maisons de plaisir. »
    Charging Elk avait compris à peine la moitié de ce que cet homme racontait. Soudain, ses pensées se reportèrent sur la chambre sanglante de Marie et son estomac se noua. Ce Saint-Cyr serait-il un chef akecita venu déjà le conduire à la guillotine ?
    L’homme tira de sa poche un paquet de cigarettes et une boîte d’allumettes. Il

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