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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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et contraints de vivre dans le noir. Charging Elk partageait sa grotte avec trois autres détenus qui semblaient avoir décidé de souffrir en silence. De fait, on entendait très peu de bruits. L’Indien apprit à reconnaître le cliquetis métallique du chariot qui apportait la soupe et le pain, et il percevait de temps en temps un murmure de voix en provenance du poste des gardiens tout au fond du couloir.
    Un soir, il entendit s’élever de la cellule d’en face un rugissement, suivi d’un silence, puis d’un deuxième rugissement, puis d’un troisième. Et de nouveau, le silence. Charging Elk s’approcha des barreaux et s’efforça de percer les ténèbres. Il était presque sûr qu’il y avait une bête sauvage dans l’une des grottes, mais il ne vit rien, et n’entendit plus rien.
    La semaine écoulée, on le ramena à la surface et on lui fit traverser la cour en direction de l’un des bâtiments tout en longueur. Ébloui par la lumière et la terre ocre, il dut plisser les yeux, si bien qu’il ne distinguait qu’à peine le dos du gardien marchant devant lui. Il sentit des larmes tièdes rouler sur ses joues et, une fois à l’intérieur, ses yeux lui firent moins mal.
    On le poussa dans une petite pièce où on lui ordonna de se déshabiller et de se laver. Puis, après l’avoir débarrassé de ses poux, on lui donna un mince pantalon gris et une chemise du même tissu dont les rayures autrefois noires avaient simplement pris une teinte grise un peu plus foncée. On lui remit également une couverture pliée, un seau hygiénique et un gobelet en fer-blanc tout cabossé. Deux gardiens le conduisirent ensuite par un corridor dans un autre bâtiment. Ils montèrent un escalier de fer et longèrent un large couloir bordé de chaque côté de petites cellules qui, au contraire de celles de la préfecture, étaient fermées par des barreaux allant du sol au plafond, de sorte que les prisonniers pouvaient voir ce qui se passait dans le couloir. Par contre, elles ne possédaient pas de fenêtres ouvrant sur l’extérieur.
    Après le silence qui régnait dans les grottes, Charging Elk fut étonné d’entendre les prisonniers se parler d’une cellule à l’autre. Du coin de l’œil, il vit que chacune comportait deux lits. Sur son passage, les conversations se taisaient, ce qui ne le surprenait pas outre mesure. Il devinait les regards des détenus braqués sur lui.
    Le gardien qui marchait devant finit par s’arrêter face à une cellule située presque au bout du couloir. Il ouvrit la porte et fit signe à Charging Elk d’entrer. C’est seulement après avoir tourné la clé dans la serrure qu’il adressa la parole au prisonnier : « C’est chez toi, maintenant. Tâche que ça reste propre. » Sur ce, les deux gardiens partirent.
    « Bande de salauds ! »
    Charging Elk se retourna au moment où un homme au visage glabre sautait à bas de sa plate-forme à dormir et s’avançait vers lui avec l’agilité et la souplesse d’un danseur ou d’un acrobate. L’Indien fit un pas en arrière, mais l’inconnu se contenta de lui tendre la main.
    « Marc-Aurèle Causeret… et moi aussi je suis innocent. »
    Charging Elk lui serra la main. « Moi, je suis Charging Elk. »
    L’homme éclata de rire. « C’est bien ce que je pensais. Dès que je vous ai vu, je me suis dit : “Crois-le ou non, mais voilà un Indien d’Amérique.” Eh bien, monsieur Charging Elk, soyez le bienvenu dans vos nouveaux appartements.
    — Mais comment vous avez su ?
    — Plutôt, comment n’aurais-je pas su ? N’ai-je pas assisté tous les soirs aux représentations du Wild West Show pendant que j’étais à Paris ? Ne me suisje pas promené à travers votre village de tipis chaque fois que j’en ai eu l’occasion ? »
    Charging Elk tenait toujours la couverture, le seau et le gobelet. C’était la première fois depuis René que quelqu’un lui parlait ainsi du spectacle de la troupe de Buffalo Bill. Il en demeura abasourdi. « Vous m’avez vu ? » demanda-t-il.
    L’homme écarquilla les yeux, tandis qu’un sourire illuminait son visage. « Vous y étiez ? Pendant l’Exposition ?
    — Oui. Je me produisais toutes les après-midi et tous les soirs. J’ai joué au poker au village et j’ai vu beaucoup des endroits touristiques de Paris.
    — Décidément, le monde est petit ! » L’homme éclata à nouveau de rire. » Je vous ai sûrement vu, mais je ne vous ai pas reconnu

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