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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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ne se conduisait pas comme s’il avait la tête dans les nuages. Il souriait en permanence, même quand ils étaient pris dans le blizzard ou qu’ils chevauchaient deux sommeils durant sans rien manger. Il avait envie de demander à Rocky Bear de dire à ses patrons blancs que Strikes Plenty était plus indien que tous ceux réunis sur cette route de fer, qu’il avait vécu selon la voie des anciens Lakotas jusqu’à ces deux derniers sommeils, avant qu’il parte pour le camp du Tourbillon. Il préféra néanmoins s’en abstenir. À cet instant, il enviait presque Strikes Plenty et sa nouvelle existence telle qu’il l’envisageait. Au Bastion, l’idée d’avoir un jour une femme, de vivre dans la paix et le confort, avait paru inconcevable. Charging Elk caressa le paquet posé sur ses genoux et observa les vaches noires et blanches. L’une d’elles tentait de grimper sur une autre, alors que toutes deux avaient les pis gonflés de lait.
    Il faisait jour à présent et, bien que rassasié par le pain qu’il avait mangé et quelque peu réconforté par les images qu’il venait d’évoquer, Charging Elk se sentait de plus en plus exposé. Il n’avait pas établi de plan d’action, sinon celui de s’éloigner le plus possible de la maison des malades. Il hésitait cependant à quitter son abri. Il ne connaissait pas cette ville, ce pays. Il était maintenant sûr que personne ici ne parlait lakota, mais s’il réussissait à retrouver les gens qu’il fallait, l’homme au costume marron et l’homme au costume noir, ils l’aideraient à rejoindre Buffalo Bill. Hormis ses côtes, il se portait à merveille et ils ne manqueraient pas de s’en rendre compte.
    Charging Elk coupa en quatre morceaux ce qui lui restait du pain long et les fourra dans les poches de son manteau, puis il sortit de sa cachette et s’avança dans la rue.
    La grande ville dégageait une odeur de mer, de sel et d’hiver, et aussi de fumée et de nourriture – marrons qui grillaient sur des braseros aux coins des rues, pommes frites dorées qu’on servait dans les brasseries et pâtisseries au miel qu’on dégustait dans les salons de thé. La rue que longeait Charging Elk était bruyante, encombrée de chariots, d’équipages et d’omnibus, tous tirés par des chevaux ou des bœufs, ainsi que de charrettes à bras poussées par des hommes en pantalons et vestes bleus. Les trottoirs étaient noirs de monde. Les hommes portaient de grands paniers sur les épaules et les femmes de plus petits sur la tête. Les gens semblaient déboucher de toute part. Ils apparaissaient, marchaient quelques mètres, puis disparaissaient, sitôt remplacés par d’autres. Certains donnaient l’impression d’avoir un but, tandis que d’autres flânaient ou bien s’arrêtaient pour regarder les vitrines des magasins. Il y avait les riches : les hommes en costumes foncés, pardessus et hauts-de-forme, les femmes en robes à tournure noires, mantes et chapeaux à plumes et à voilettes noires qui leur dissimulaient en partie le visage. Ceux-là étaient munis de parapluies ou d’ombrelles afin de se protéger de la pluie ou du soleil. Et il y avait les pauvres, vêtus de vestes de drap grossier et coiffés de casquettes pour les hommes, et de robes toutes simples avec des châles et des bonnets pour les femmes. Les mères traînaient les enfants par la main, ou bien les pères les portaient dans leurs bras.
    Charging Elk aperçut des gens stationnés devant une large vitrine qui discutaient en montrant du doigt des groupes de petites silhouettes. Il y avait plein d’animaux : des bœufs, des moutons et des cochons. Le jeune Indien se rappela alors la famille qui élevait des cochons le long du chemin menant à Wounded Knee. Il s’en souvenait surtout parce qu’il n’avait jamais senti une odeur aussi forte et âcre. Elle l’avait accompagné pendant des miles et des miles.
    Dans la vitrine, on distinguait également des figurines d’hommes, de femmes et d’enfants habillés de vêtements que Charging Elk voyait pour la première fois. Certains des personnages avaient la peau claire, d’autres la peau foncée. La tête de l’un de ces derniers était ceinte d’une étoffe. Le regard mauvais, il avait un bandeau noir sur un œil et un couteau entre les dents. Les autres semblaient soit tristes, soit heureux, soit simplement impassibles.
    Au centre, légèrement à l’écart, se tenait un groupe un peu plus important. Trois barbus

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