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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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dans l’entrebâillement, celle du Français qui habitait là.
    « Ah, très bien. Ça va ? »
    Un fil électrique s’alluma brusquement au-dessus d’eux, de sorte que la pièce eut l’air tout à coup vide et froide. Charging Elk se leva et plissa les yeux pour se protéger de l’éclat violent de la lumière.
    Le petit homme râblé, vêtu d’un pantalon blanc et d’un chandail bleu, tenait à la main un lourd broc. Il sourit au jeune Indien, tout en considérant d’un œil critique le costume froissé. Apparemment tout excité, il fit de grands gestes accompagnés de paroles prononcées dans la langue des Français. Il désigna le sac de toile et la petite valise demeurés tels quels au pied du lit, puis sembla poser une question. Charging Elk lui lança un regard scrutateur.
    L’homme devait avoir dans les trente-cinq hivers. Ses cheveux brillants et clairsemés étaient ramenés en arrière sur son début de calvitie. Charging Elk avait remarqué la veille qu’il avait des mains étonnamment larges pour sa taille. Dans la pâle clarté, elles paraissaient rouges et tout écorchées. Mais c’était son visage qui retenait surtout l’attention. Il n’avait ni barbe ni moustache, et même ses pattes étaient coupées court, arrivant tout juste à la hauteur du lobe de ses oreilles. Sans pouvoir se l’expliquer, Charging Elk n’éprouvait nulle gêne à détailler ainsi les traits du wasichu. Il avait le nez épaté et deux dents du bas qui manquaient, mais dans ses yeux se lisait quelque chose que le jeune Indien connaissait bien : cette espèce de sagesse empreinte de tristesse propre à certains des anciens. Son regard exprimait la gentillesse et l’indulgence pour les fautes d’autrui, des vertus acquises à la suite d’une vie de dur labeur. Il savait ce que les hommes devaient endurer afin de devenir meilleurs – ou, parfois, pires. Les yeux de ces anciens ne condamnaient pas. À l’exemple de ceux de ce petit homme qui parlait et gesticulait pratiquement sans arrêt.
    Le jeune Oglala s’écarta pour laisser passer le Français qui alla verser le contenu du broc dans une sorte de cuvette encastrée dans un petit meuble à côté duquel pendait une étoffe suspendue à un crochet. L’homme jeta un regard autour de lui, poussa une exclamation, puis saisit le sac marin qu’il posa sur une caisse de tiroirs. Il les ouvrit, continuant de gesticuler, et s’écriant à chaque fois : « Et voilà ! » Il vida le sac dans les tiroirs, marmonnant sans cesse tandis qu’il rangeait. Il finit par trouver une longue chemise grise dépourvue de col et de boutons qu’il tendit à Charging Elk. Il prit ensuite un pantalon bleu tout neuf qui ressemblait beaucoup au sien, puis un chandail à rayures bleues et blanches. Et, comme par magie, il sortit du sac une paire de grosses chaussures ainsi qu’une veste en laine roulée bien serré. Après quoi, il ouvrit le tiroir du haut, en tira des chaussettes grises roulées en boule, puis considéra son hôte avec un sourire satisfait. Il pointa le doigt sur les vêtements, puis sur le grand Indien. Il versa encore un peu d’eau chaude dans la cuvette et fit le geste de se laver la figure. « Je vais attendre dehors », dit-il. Puis, repérant la petite valise, il ajouta : « Voyons. »
    La valise contenait, entre autres, un peigne et une brosse, un rasoir et un cuir à rasoir, ainsi qu’une brosse à dents. « Très bien, très bien, très bien », disait le petit homme, brandissant chacun des objets à la lumière avant de les ranger dans les tiroirs. Il produisit une glace à main qu’il plaça devant le visage de Charging Elk, puis il éclata de rire. «  Bel homme, n’est-ce pas ? Bon, j’attends dehors. »
    Charging Elk, soulagé, se débarrassa du costume. Il était chaud mais il lui grattait les jambes. Il passa les vêtements neufs et le pantalon qui, bien qu’un peu raide, ne grattait pas. Il enfila les chaussettes et les grosses chaussures, puis noua les lacets comme Costume Marron lui avait appris à le faire. Il fut heureux de constater qu’elles étaient plus grandes que celles qu’il portait la veille. Elles offraient davantage de place pour ses orteils qu’il agita avec volupté.
    Après s’être lavé la figure à l’eau et au savon, il trempa la brosse à dents dans l’eau savonneuse et se brossa les dents. Malgré le mauvais goût, il se sentit mieux. Il alla ensuite prendre sur le dessus des tiroirs la petite

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